Présentation générale du Dharma
Le Dharma du Bouddha peut être divisé en deux véhicules : l’Hinayana et le Mahayana. L’Hinayana peut être divisé en deux à son tour : en véhicule des shravakas et véhicule des pratyékabuddhas. Les shravakas (auditeurs) et les pratyékabuddhas (bouddhas-par-soi) peuvent être différenciés en fonction de l'infériorité et de la supériorité relatives de leurs facultés et des résultats qu'ils obtiennent, mais les caractéristiques doctrinales des chemins qu'ils suivent sont fondamentalement identiques. Les gens qui ont tendance à suivre ces deux véhicules de l’Hinayana les utilisent dans le but de leur propre émancipation : parce qu’ils réalisent l'urgence de se libérer le plus rapidement possible du cercle vicieux de l'existence. Puisque la cause principale de l'esclavage dans le samsara est la saisie du soi, la cause principale de l'obtention de la liberté du nirvana est la sagesse qui réalise le sens du non-soi. Ainsi, les shravakas et les pratyékabuddhas réalisent le non-soi, tout comme les bodhisattvas. Ils cultivent cette sagesse tout en pratiquant l’éthique morale, la concentration méditative etc., ce qui leur permet de mettre fin à toutes leurs perturbations mentales comme l’avidité, la haine, l’ignorance.
Même si les Hinayanistes ne s'engagent pas sur leur chemin spirituel dans l'intention d'obtenir la bouddhéité, leur chemin constitue malgré tout un moyen de les conduire à l’état d’Éveil. Ainsi, ne vous méprenez pas sur les chemins de l’Hinayana pensant qu’ils sont un obstacle à l'Éveil. En effet, le soutra de Saddharmapoundarika et d'autres textes enseignent qu'ils offrent des méthodes qui concourent à la bouddhéité. Le Bouddha apparaît dans le monde pour que les êtres puissent obtenir la connaissance qu'il a lui-même engendrée. Ainsi, les présentations du chemin offertes par le Bouddha fournissent uniquement des méthodes qui conduisent les êtres à la bouddhéité. Même si les chemins de l’Hinayana ne mènent pas directement à l’Éveil, il est enseigné que les adeptes de l’Hinayana finissent par entrer dans le Mahayana et obtenir la bouddhéité.
Bien que les adeptes de l’Hinayana réalisent, tout comme les adeptes du Mahayana, que les phénomènes sont dépourvus de soi intrinsèque, il est faux d’affirmer qu'il n'y a aucune différence entre l’Hinayana et le Mahayana. En effet, les doctrines du Mahayana ne se contentent pas de mettre en lumière le non-soi des phénomènes, elles enseignent également les étapes parcourues par les bodhisattvas, nommément les perfections transcendantes, leur souhait d’atteindre l'Éveil parfait pour le bien de tous les êtres, la grande compassion, etc. Ce corpus enseigne aussi comment dédier les mérites à l'Éveil, les deux accumulations de mérite et de sagesse, et la réalité inconcevable qui est purifiée de toute souillure.
Ainsi, le Mahayana et l’Hinayana ne se pas distinguent en raison de leurs différents points de vue philosophiques, mais ils sont différenciés en fonction de leur pratique – ou absence de pratique - de l'ensemble des méthodes. C'est ce qu’affirment l'Arya Nagarjouna et son disciple Aryadéva : une mère agit en tant que cause commune à tous ses fils, et leurs pères sont les causes individuelles selon lesquels les fils appartiennent à des clans distincts. Ainsi, la mère, la Perfection de la sagesse, est la cause commune des fils, les quatre types d’êtres spirituellement nobles : les nobles shravaka, les nobles pratyékabuddha, les nobles bodhisattavas et les nobles bouddhas. S’ils sont dotés ou non des méthodes qui engendrent bodhichitta, etc. les fait appartenir aux lignées particulières à l’Hinayana et à celles du Mahayana. Le Mahayana, comme le Hinayana, peut être subdivisé en deux véhicules : le Paramitayana et le Mantrayana. Le but commun du Mahayana est de s'entraîner dans les six perfections en les pratiquant par désir d'obtenir l’Éveil parfait pour le bien de tous les êtres. Il est clair que l'on s’engage dans le Mantrayana en suivant ce chemin même, car il est enseigné dans les tantras. Cependant, les pratiquants du Mahayana qui ne suivent que le Paramitayana se contente de pratiquer la présentation générale de ce chemin tandis que les adeptes du Mantrayana cultivent les perfections transcendantes au moyen de techniques tantriques spéciales qui ne sont pas enseignées dans le Paramitayana.
Les termes « véhicule causal », « Paramitayana », etc. sont synonymes, et « Mantrayana », « Vajrayana », « véhicule résultant » et « véhicule de la méthode » sont également synonymes. La différence entre le véhicule causal et le véhicule résultant est la suivante : le véhicule causal correspond au véhicule du Mahayana dans lequel on ne médite pas sur soi-même comme ayant un aspect concordant aux quatre résultats parfaitement purs lorsque l’on pratique les chemins relatifs à l'entraînement. Le véhicule du Mahayana dans lequel on médite sur soi-même comme ayant un aspect concordant aux quatre résultats parfaitement purs alors que l’on pratique les chemins relatifs à l'entraînement est appelé « le véhicule résultant » ou « Mantrayana ». C'est ce que le maître Tsongkhapa a dit dans les Étapes de la voie du Mantra : « En ce qui concerne ce véhicule, il est appelé « véhicule » parce qu’il est le véhicule du résultat qui est son objectif, en ce sens qu’il le transmet, et il est aussi la cause qui vise cet objectif. Les quatre résultats parfaitement purs - la demeure, le corps, les possessions et les activités d’un Bouddha, en d’autres termes, le palais d’un Bouddha, son corps saint, ses possessions et les actes qu’il accomplit – constituent le résultat en question. On médite dès à présent sur soi-même comme ayant une demeure sacrée, un entourage sacré, des instruments rituels sacrés et comme accomplissant les actes sacrés de purification du cosmos et de ses habitants, tout comme un Bouddha ; il s’agit donc du véhicule résultant parce que l'on progresse grâce à une telle méditation de façon concordante avec le résultat recherché ».
Ainsi, le Mahayana dans son ensemble est divisé en Paramitayana et Mantrayana ; en effet, ces deux véhicules utilisent des moyens substantiellement différents pour atteindre le Corps de forme d’un bouddha – ce kaya qui accomplit le bien des autres. En général, il n’y a aucune différence entre Hinayana et Mahayana en ce qui concerne la sagesse de la vacuité, ils doivent néanmoins être différenciés en raison de leurs divergences en terme de méthodes, comme mentionné ci-dessus. En particulier, le fait que le Mahayana se divise en Paramitayana et Mantrayana n'est pas dû à une divergences concernant la sagesse qui réalise la profonde vacuité ; là encore, les deux systèmes du Mahayana se distinguent du point de vue des différences de leurs méthodes. L'aspect principal de la méthode dans le Mahayana correspond aux exposés qui traitent de l'accomplissement du corps de forme, or la méthode qui concoure au corps de forme dans le Mantrayana est précisément le yoga de déité - méditer sur soi-même comme ayant un aspect semblable à celui d'un corps de forme. Cette méthode est supérieure à celle employée dans le Paramitayana.
En ce qui concerne les disciples du Mantrayana, on les décline en quatre types : inférieur, moyen, supérieur et excellent. Les quatre classes de tantra ont été enseignées avec ces quatre types de disciples en tête. Puisque les disciples entrent dans le Mantrayana par le biais des quatre classes de tantra, les quatre classes sont comparées à « quatre portes ». Quelles sont ces quatre classes ? Les voici : le tantra rituel, le tantra de conduite, le tantra du yoga, et le tantra du yoga insurpassable. Le Kalachakra, décrit ci-dessous, appartient à la classe Tantra de Yoga Insurpassable.
Un compte rendu de Kalachakra, la roue du temps
Toute la signification du tantra de Kalachakra est comprise dans les trois Kalachakras, ou roues du temps : la roue extérieure du temps, la roue intérieure du temps et l'autre roue du temps. La roue extérieure du temps correspond au monde extérieur, l'environnement, elle est aussi appelée « la procession des jours solaires et lunaires extérieurs ». La roue intérieure du temps correspond au corps humain, c'est-à-dire à un Jamboudvipa (la Terre) intérieur. De même, les canaux intérieurs, les éléments et les mouvements des vents sont présentés comme les roues intérieures du temps. L'autre roue du temps correspond à l'initiation et aux chemins spirituels de Shri Kalachakra, ainsi que leurs résultats. Elle est « autre » que les deux roues du temps précédentes. Le maître mûrit le continuum psychophysique du disciple par le biais des initiations, et le disciple médite sur le chemin qui consiste en stade de développement et stade de parachèvement. De cette façon, le yogi réalise le résultat : le corps de Bouddha qui est l'image divine de la vacuité ; telle est l'autre roue du temps.
L'enseignement de Kalachakra par le Bouddha est décrit dans le Paramadibouddha, le Tantra de base de Kalachakra :
« Alors que notre Fondateur exposait le Dharma sur le pic des vautours selon le système de la Perfection de la Sagesse, il enseigna également le système des mantras à Shri Dhanyakataka. Quel maître enseignait quel tantra, quand et où vivait-il ? Quel était l'endroit, qui était l'entourage mondain, et quel en était le but ?
« Alors que le Tathagata enseignait le Mahayana inégalé, le système de la Perfection de la Sagesse, aux bodhisattvas sur le pic des vautours, il se trouvait simultanément en compagnie des bodhisattvas et d'autres êtres saints dans le grand stoupa, dans le mandala de la sphère des phénomènes. Il demeurait dans le palais du vajra universel, dans l'espace, immatériel et très lucide, indivisible et rayonnant. Il enseigna le tantra dans la belle sphère des phénomènes, pour le mérite et la sagesse des êtres humains. »
Le Tantra de base continue : « Ensuite l'émanation de Vajrapani, le roi Souchandra du célèbre Shambhala, entra miraculeusement dans la magnifique sphère des phénomènes. D'abord il circumambula vers la droite, puis vénéra les pieds de lotus du Maître avec des fleurs faites de joyaux. Plaçant ses mains en prière, Souchandra s'assit devant le parfait Bouddha et fit la requête du tantra au Bouddha, puis il le rédigea et l'enseigna également. »
Le Kalachakra a été enseigné par notre Maître, le Bouddha Shakyamouni, qui a démontré comment actualiser le plus haut Éveil parfait sous l'arbre de la bodhi à Bodhgaya en Inde, à l'aube de la pleine lune entre avril et mai. Pendant un an, il a enseigné le Paramitayana général, et tourna notamment la roue du Dharma de la Perfection de la Sagesse, la principale et ultime roue du Dharma du système des perfections du Mahayana sur le pic des vautours.
À la pleine lune entre mars et avril, au douzième mois qui suivit l’obtention de la bouddhéité, alors que le Bouddha enseignait le Paramitayana sur le pic des vautours, il manifesta une autre forme à l'intérieur du grand stoupa de Shri Dhanyakataka, qui est près de Shri Parvata dans le sud de l'Inde, et y enseigna le Mantrayana.
Le grand stoupa mesurait plus de six lieues de hauteur, et à l'intérieur de celui-ci, le Bouddha émit deux mandalas : l’un au-dessous du mandala de Dharmadhatou Vagishvara et l’autre au-dessus du grand mandala des magnifiques astres. Le Bouddha était au centre, sur le trône du lion de Vajra, dans le grand Mandala de la Sphère de Vajra, demeure de la grande béatitude. Il était absorbé dans le samadhi de Kalachakra, et se présenta sous la forme du Seigneur du mandala.
L'excellent entourage à l’intérieur du mandala se composait d'une foule de bouddhas, de bodhisattvas, de furies, de dieux, de nagas et de déesses. À l’extérieur du mandala se trouvait le requérant, émanation de Vajrapani : le roi Souchandra de Shambhala. Il était miraculeusement venu à Shri Dhanyakataka de Shambhala, et fit la requête de Kalachakra pour l'entourage des disciples : les quatre-vingt-seize satrapes émanés des quatre-vingt-seize grandes terres de Shambhala, ainsi qu'une foule illimitée de bodhisattvas, de dieux, de démons et d'autres êtres fortunés.
Le Bouddha conféra à l'assemblée l'excellent Dharma - les initiations mondaines et transcendantales - et prophétisa leur Éveil. Ensuite il leur enseigna le Paramadibouddha, les douze mille verset du tantra de base de Kalachakra. Le roi Souchandra l'écrivit dans un volume et retourna miraculeusement à Shambhala. Une fois à Shambhala, Souchandra composa un commentaire du Tantra de base en soixante mille lignes. Il érigea également un mandala de Kalachakra fait de substances précieuses. Après avoir nommé son fils Soureshvara roi et instructeur du tantra, il mourut. Beaucoup de grands rois de la dynastie de Shambhala, tels Kalki Yashas, Kalki Pundarika, et d'autres firent briller le profond Dharma du Kalachakra comme le soleil et la lune.
Le tantra de Kalachakra continua d'être transmis par la succession des kalkis (« chefs ») de Shambhala et fut finalement réintroduit en Inde. Il y existe deux récits principaux à ce sujet : le récit raconté par la tradition de Râ et celui de la tradition de Dro. (Les traditions de Râ et Dro seront présentées ci-dessous).
Selon la tradition de Râ, le Kalachakra et les commentaires associés, connus sous le nom de corpus des bodhisattvas, apparurent en Inde sous le règne simultané de trois rois. Prenant Bodhgaya comme centre, les trois rois étaient : Déhopala, le Maître des éléphants, en Orient, Jauganga, le Maître des Hommes, au Sud, et Kanauj, le Maître des chevaux, en Occident. A cette époque, le grand pandit Cilou, qui maîtrisait tous les aspects du Bouddhadharma, naquit à Orissa, l'un des cinq pays de l'Inde orientale. Cilou étudia tous les textes bouddhistes au Ratnagiri Vihara, Vikramashila et Nalanda. Il étudia en particulier au Ratnagiri Vihara qui n'avait pas été endommagé par les Turcs.
Cilou comprenait qu'en général, pour parvenir à la bouddhéité en une seule vie, il aurait besoin du Mantrayana et qu'il aurait en particulier besoin des clarifications de ces doctrines contenues dans les corpus (ou commentaires) des bodhisattvas. Sachant que ces enseignements existaient à Shambhala - et selon les instructions de sa divinité -, il se joignit aux commerçants qui cherchaient des joyaux dans l'océan. Après s'être mis d'accord avec les commerçants, qui partaient de l'autre côté de la mer, ils décidèrent de se retrouver après six mois et allèrent chacun de leur côté.
Cilou voyageait en faisant des étapes et finalement, en escaladant une montagne, il rencontra un homme. L'homme lui demanda : « Où vas-tu ? » et Cilou répondit : « Je vais à Shambhala à la recherche du Corpus des bodhisattvas » et l'homme dit : « Il est extrêmement difficile d'y aller, mais si tu es capable de comprendre ce corpus, tu peux l'écouter ici même ».
Cilou réalisa que l'homme était une émanation de Manjoushri. Il se prosterna, offrit un mandala et demanda l'instruction. L'homme confia à Cilou toutes les initiations, les commentaires du tantra et les instructions orales. Il saisit Cilou, plaça une fleur sur sa tête et le bénit en disant : « Réalisez tout le Corpus des bodhisattvas ! » Ainsi, comme de l'eau versée d'un récipient à l'autre, Cilou réalisa tout le Corpus des bodhisattvas. Il retourna sur ses pas et, rencontra les commerçants, il rentra en Inde de l'Est.
Selon la tradition de Dro, le tantra de Kalachakra a été réintroduit en Inde par le maître Kalachakrapada. Un couple qui pratiquait le Yoga de Yamantaka pratiqua le rituel pour mettre un fils au monde selon les explications du Tantra de Yamantaka, et ils eurent un fils. Quand il grandi, il apprit qu'au nord, les bodhisattvas eux-mêmes enseignaient le Dharma, alors il s’y rendit afin de les écouter. Avec son pouvoir psychique, le Kalki de Shambhala pris connaissance de la pure motivation et de l'enthousiasme du jeune homme pour le Dharma profond. Il savait que si le jeune homme tentait de venir à Shambhala, cela mettrait sa vie en péril à cause du désert sans eau qu’il mettrait quatre mois à traverser. Ainsi, les Kalki utilisèrent un corps d’émanation pour rencontrer le jeune au seuil du désert.
Le Kalki demanda au jeune home : « Où allez-vous, et pourquoi ? » quand le jeune homme lui expliqua ses intentions, le Kalki dit : « Cette route est très périlleuse, mais si vous pouvez comprendre ces choses, ne pourriez-vous pas les écouter ici même ? » Le jeune homme se rendit compte qu’il s’adressait à une émanation du Kalki et lui demanda les instructions. C'est là que le Kalki initia le jeune homme, et pendant quatre mois il lui enseigna tous les plus hauts tantras, en particulier les trois commentaires du Corpus des bodhisattvas. Comme un vase rempli à ras bord, le jeune homme réalisa et mémorisa tous les tantras. Lorsqu'il revint en Inde, il fut reconnu comme une émanation de Manjoushri, et fut nommé « Kalachakrapada ».
Par conséquent, les traditions de Râ et Dro disent que le Kalachakra a été introduit en Inde par Cilou et Kalachakrapada. Le tantra de Kalachakra continua d'être étudié et pratiqué en Inde et fut finalement introduit au Tibet. Là encore, les traditions de Râ et Dro sont les deux principales lignées à travers lesquelles ce tantra se propagea au Tibet.
La tradition de Dro fut initiée grâce à la visite du Pandit Somanatha du Cachemire au Tibet. Somanatha est d'abord arrivé au Tibet à Kharag et vécu dans le clan de Ryo. Contre une somme de cent mesures d'or, Somanatha traduisit en tibétain la moitié du grand commentaire de Kalachakra, le Vimalaprabha, mais entre-temps il se fâcha et arrêta son travail. Il prit l'or et son brouillon de traduction et se rendit à Phan Yul drub. Là, Chung Wa du clan Zhang prit Somanatha comme son maître, et Shayrabdrak du clan de Dro comme traducteur. Somanatha et Shayrabdrak ont traduit tout le Vimalaprabha.
La tradition de Dro continua jusqu' à Lama ChöKu Özer. Ce lama maîtrisait tous les enseignements du clan de Dro, y compris le Kalachakra. Son disciple était Lama Galo, qui maîtrisait à la fois la tradition de Dro et la tradition de Râ et les transmettait en une seule lignée combinée.
La tradition Râ fut instaurée au Tibet par Chorab du clan de Râ, le neveu du célèbre traducteur Ra Dorjedrak, né à Nyen Ma Mang Yul. Ra Chorab mémorisa et compris toutes les doctrines du clan de Râ. Puis il a voulu apprendre le Kalachakra, alors il se rendit au centre du Népal où il servit continuellement le Pandit Samantashri pendant cinq ans, dix mois et cinq jours. Samantashri expliqua tous les textes de Kalachakra et donna à Chorab les initiations et les instructions orales. Puis Chorab invita Samantashri au Tibet où ils traduisirent soigneusement le tantra Kalachakra et son commentaire, ainsi que les textes auxiliaires.
La tradition de Râ fût maintenue par le fils et le petit-fils de Ra Chorab, et finit par arriver à Lama Galo, comme mentionné plus haut. Lama Galo transmit à la fois les traditions de Dro et Ra, et sa lignée se perpétua à travers des maîtres tels que Butön Rinchendroub et Tsongkhapa. L'étude et la pratique du Kalachakra basée sur les traditions de Râ et Dro perdurent encore aujourd'hui.
La pratique du tantra de Kalachakra - comme tous les systèmes tantriques bouddhistes - est basée sur le fait de recevoir d'abord les initiations appropriées. Pour que les initiations soient correctement données et reçues, il est nécessaire que le maître et le disciple possèdent tous deux certaines qualifications. Losang Chökyi Gyaltsen décrit ainsi les qualifications du maître du Mantrayana : « Il doit maîtriser son corps, sa parole et son esprit. Il doit être très intelligent, patient et infaillible. Il doit connaître les soutras et les tantras, comprendre la réalité, être compétent dans la composition et l'explication des textes ». Nous avons beaucoup de chance que de tels maîtres existent encore aujourd'hui.
Le disciple doit avoir l'expérience des trois aspects principaux du chemin du Mahayana : le renoncement du samsara, la bodhichitta et la compréhension de la vacuité. Si le disciple n'a pas une réelle expérience de ces derniers, il devrait au moins avoir une familiarité intellectuelle avec ces points et de l'admiration envers eux.
Le plus important de ces trois aspects est la bodhichitta, il s’agit en effet de la motivation première pour prendre les initiations. Le Seigneur Maitréya a défini la bodhichitta dans son œuvre l’Abhisamayalankara : « La bodhichitta est le désir d'un véritable Éveil parfait pour le bien d’autrui ». Dans le contexte spécifique des initiations de Kalachakra, le disciple doit générer bodhichitta de la manière suivante : « Pour le bien de tous les êtres sensibles, je dois atteindre l'état de Shri Kalachakra, alors je pourrai établir tous les autres êtres dans l'état de Shri Kalachakra également ». Mu par une telle motivation, le disciple reçoit l’initiation.
Le but général des initiations tantriques est que le maître mûrit le continuum psychophysique du disciple par le biais des initiations. Ici, « mûrir » signifie habiliter le disciple à pratiquer le yoga du stade de développement et du stade de parachèvement. En particulier, les initiations de Kalachakra habilitent le disciple à pratiquer le yoga du tantra de Kalachakra, et, finalement, à atteindre l'état de Shri Kalachakakra.
Il y a onze initiations de Kalachakra : sept initiations « d'entrer comme un enfant », trois initiations « exaltées » et une initiation « extrêmement exaltée ». Les disciples qui se sont temporairement engagés dans les seuls siddhis mondains (réalisations magiques ou mystiques) ne reçoivent que les sept initiations inférieures. Ceux qui s'intéressent principalement au siddhi transcendantal de la bouddhéité reçoivent les onze initiations. La première des sept initiations d'entrer comme un enfant est l'initiation de l'eau : elle correspond à l’analogie d’une mère qui lave son enfant immédiatement après sa naissance. La deuxième initiation est l'initiation de la couronne qui est symbolique d’attacher les cheveux d'un enfant. Le troisième, l'initiation du ruban, symbolise percer les oreilles d'un enfant et les orner de bijoux. La quatrième initiation, celle du vajra et de la cloche, est analogue au rire et à la parole d'un enfant. La cinquième initiation est l'initiation de la conduite, elle est analogue à la jouissance par l'enfant des cinq objets-sens désirables. La sixième est l'initiation du nom, analogue au nom que l’on donne à l'enfant. La septième et dernière initiation de l'entrée comme un enfant est l'initiation d'autorisation au mantra. Cette initiation habilite le disciple à éliminer les obstacles et à atteindre les pouvoirs magiques de pacification, de prospérité, d'asservissement et de destruction.
Les trois initiations exaltées sont les suivantes : l'initiation du vase correspond à la sagesse de béatitude et de la vacuité qui naît du fait que le disciple touche les seins de la consort. L'initiation secrète correspond à la sagesse de la félicité et de la vacuité qui naît du fait que le disciple savoure la bodhichitta, l'initiation de la sagesse primordiale est l'expérience de la joie innée qui naît du disciple et de la consort s'engageant dans l'union.
L'initiation la plus exaltée est aussi appelée « la quatrième initiation » ou « l'initiation du mot ». La précédente grande initiation de sagesse primordiale donne au disciple le pouvoir d'atteindre le onzième stade d’un bodhisattva. Ensuite, le maître présente symboliquement le Corps de Sagesse qui est l'intégration d'une grande félicité suprême immuable et de la vacuité possédant le meilleur de tous les aspects. En disant : « C'est ainsi ! », le maître attribue la quatrième initiation au disciple. Cette initiation donne au disciple le pouvoir d'obtenir la bouddhéité parfaite sous la forme de Shri Kalachakra.
Traduit du tibétain et corrigé selon la note du traducteur John Newman.
Initiations de Kalachakra conférées par Sa Sainteté le Dalaï-Lama (Date/Lieu/Nombre de participants)
1. Mai 1954 / Norbulingka, Lhasa, Tibet / 100,000
2. Avril 1956 / Norbulingka, Lhasa, Tibet / 100,000
3. Mars 1970 / Dharamsala, Himachal Pradesh, Inde / 30,000
4. Janvier 1971 / Bylakuppe, Karnataka, Inde / 10,000
5. Décembre 1974 / Bodhgaya, Bihar, Inde / 100,000
6. Septembre 1976 / Leh, Ladakh, Inde / 40,000
7. Juillet 1981 / Madison, Wisconsin, USA / 1,500
8. Avril 1983 / Dirang, Arunachal Pradesh, Inde / 5,000
9. Août 1983 / Tabo, Himachal Pradesh, Inde / 10,000
10. Juillet 1985 / Rikon, Suisse / 6,000
11. Décembre 1985 / Bodhgaya, Bihar, Inde / 200,000
12. Juillet 1988 / Zanskar, Jammu & Kashmir, Inde / 10,000
13. Juillet 1989 / Los Angeles, Californie, USA / 3,300
14. Décembre 1990 / Sarnath, Uttar Pradesh, Inde / 130,000
15. Octobre 1991 / New York, New York, USA / 3,000
16. Août 1992 / Kalpa, Himachal Pradesh, Inde / 20,000
17. Avril 1993 / Gangtok, Sikkim, Inde / 100,000
18. Juillet 1994 / Jispa, Himachal Pradesh, Inde / 30,000
19. Décembre 1994 / Barcelona, Espagne / 3,000
20. Janvier 1995 / Mundgod, Karnataka, Inde / 50,000
21. Août 1995 / Ulaanbaatar, Mongolie / 30,000
22. Juin 1996 / Tabo, Himachal Pradesh, Inde / 20,000
23. Septembre 1996 / Sydney, Australie / 3,000
24. Décembre 1996 / Salugara, West Bengal, Inde / 200,000
25. Août 1999 / Bloomington, Indiana, USA / 4,000
26. Août 2000 / Kyi, Himachal Pradesh, Inde / 25,000
27. Octobre 2002 / Graz, Autriche / 10,000
28. Janvier 2003 / Bodhgaya, Bihar, Inde / 200,000
29. Avril 2004 / Toronto, Ontario, Canada / 8,000
30. Janvier 2006 / Amarvati, Andhra Pradesh, Inde / 100,000
31. Juillet 2011 / Washington, DC, USA / 8,000
32. Janvier 2012 / Bodhgaya, Bihar, Inde / 200,000
33. Juillet 2014 / Leh (Ladakh), Jammu & Kashmir, Inde / 150,000
34. Janvier 2017 / Bodhgaya, Bihar, Inde / 200,000