Thekchen Tcheuling, Dharamsala, Inde, 10 avril 2025 — Ce matin, Sa Sainteté le Dalaï-Lama est passée de la porte de sa résidence à la véranda située sous le Tsouglagkhang, le Temple tibétain principal, en traversant la cour. Serkong Rinpoché, né dans la vallée de Spiti, ouvrait la marche, encens en main. Sa Sainteté s'est arrêtée pour bénir les divers objets, malas, bouteilles d'eau, images sacrées, disposés à cet effet sur plusieurs tables. Des femmes vêtues de leurs plus beaux habits traditionnels avaient formé une file le long de l'allée pour saluer Sa Sainteté, des pots de lait et de lait caillé à la main. Sa Sainteté a souri chaleureusement et salué les quelque 1300 personnes de tous âges originaires de Spiti, assises de part et d'autre de la cour.
Une fois que Sa Sainteté eut pris place, Serkong Rinpoché lui offrit un mandala et des représentations du corps, de la parole et de l’esprit du Bouddha. Il s’assit ensuite à la droite de Sa Sainteté, à côté d'un petit garçon, la réincarnation de l'ancien abbé de Tabo. Un groupe représentant les habitants de Spiti porta une série d'offrandes devant le trône. Toute l'assemblée récita la prière pour la longue vie de Sa Sainteté, composée par ses deux tuteurs, Ling Rinpoché et Trijang Rinpoché.
S'adressant aux moines et aux laïcs assis devant lui, Sa Sainteté commença :
« Mes amis du Dharma, ce que je veux vous dire, c'est que lorsque je me suis exilé en Inde, j'ai découvert qu'il y avait des communautés dans les régions du nord-ouest du pays qui plaçaient leur foi et leur confiance en moi. Les Tibétains ont une confiance dévouée en moi et vous, les habitants de Spiti et des régions frontalières, avez fait preuve d'un dévouement similaire et m'avez aidé dans la mesure de vos possibilités. Vous êtes loyaux et dévoués.
« Je porte le nom de Dalaï-Lama, ce qui en soi ne signifie pas grand-chose, mais depuis que j'ai été reconnu enfant, j'ai étudié La Conscience et la Connaissance (Tib. lo rig) et Les Signes et le Raisonnement (Tib. ta rig) — la logique et le raisonnement — ainsi que la Perfection de la Sagesse et la philosophie de la Voie Médiane. Puis sont venus Les Sujets de connaissance particuliers (Abhidharma), que j'ai trouvés difficiles parce qu'une grande partie de ce qu'ils contiennent ne peut être vérifiée. J'ai ensuite étudié le Vinaya, puis le Tantra.
« J'ai trouvé que le bouddhisme avait beaucoup à offrir en ce qui concerne la compréhension du fonctionnement de l'esprit et de la manière d'aborder nos émotions. Ma foi dans le Bouddha est fondée sur la compréhension de ce qu'il a enseigné. C'est pourquoi je médite sur l'esprit d'éveil de la bodhichitta et sur la vue de la vacuité tous les matins dès mon réveil.
« De plus, chaque fois que je le peux, je conseille aux gens d'être bons et d'expliquer comment les choses sont vides d'existence inhérente.
« En Chine, les gens ont la foi, mais ils n'étudient pas beaucoup. C'est pourquoi je pense que notre tradition tibétaine pourrait aider les Chinois intéressés à mieux comprendre le bouddhisme.
« Ceux d'entre vous qui s'intéressent à l'enseignement du Bouddha savent qu'il ne s'agit pas tant de prières et de récitations. Ce que nous devons faire, c'est étudier. Ensuite, lorsque nous comprenons comment fonctionne l'enseignement, nous avons une foi fondée sur la connaissance.
« Aujourd'hui, vous, les habitants de la vallée de Spiti, et en particulier de la région de Tabo, avez fait des prières pour que je vive longtemps. Je crois que l'efficacité de ces prières ne dépend pas du fait de les réciter pendant une semaine, mais du fait que vous fassiez ces prières du plus profond de votre cœur. Vous êtes venus jusqu’ici, où je vis, dans le but explicite de prier pour que je vive longtemps. Vous l'avez fait avec beaucoup d'affection et de respect et je vous en remercie ».
Sa Sainteté fit remarquer que les nombreuses personnes rassemblées devant elle lui avaient demandé si elle pouvait donner un bref enseignement. Elle rappela que le Bouddha, ému par la souffrance des autres, renonça à sa vie royale confortable et s'engagea dans des pratiques d’austérité à la recherche d'une solution. Finalement, il atteignit l'illumination à Bodhgaya, un accomplissement bien plus important que la simple satisfaction dans cette vie.
Sa Sainteté annonça qu'elle allait procéder à une brève cérémonie pour générer l'esprit d'éveil de la bodhichitta. Elle fit remarquer que les personnes qui se trouvaient devant elle s'étaient rassemblées en raison de leur foi infaillible et que le lien qui les unissait à lui était fort.
« Je suis un disciple du Bouddha, un moine bouddhiste. J'ai été ordonné novice, puis bhikshu (moine pleinement ordonné) devant la statue de Jowo à Lhassa. Je suis un disciple sincère du Bouddha, quelqu'un qui s'identifie fortement au fait d'être un moine bouddhiste. J'observe les trois types de vœux : les vœux de libération individuelle, les vœux de bodhisattva et les vœux tantriques.
« Il n'y a pas si longtemps, j'étais dans un temple où j'ai eu une vision du Bouddha devant moi. Il m'a fait signe et je me suis approché. Il semblait content de moi et m'a tapoté la tête. Je n'avais qu'un seul chocolat à lui offrir et il l'a accepté. Cependant, j'ai senti qu'en respectant les trois types de vœux et en enseignant aux autres, c’était là l’offrande de ma pratique au Bouddha.
« De même, vous avez fait ces prières pour ma longue vie, non par obligation, mais parce que vous souhaitez vraiment que je vive longtemps. C'est une véritable offrande de longue vie et je suis heureux de l'accepter.
« L'essence du Dharma est la bodhichitta et pour la générer maintenant, veuillez répéter ces lignes trois fois après moi :
Je prends refuge jusqu’à l’éveil,
En le Bouddha, le Dharma et en l'Assemblée suprême,
Afin d'atteindre mes objectifs et ceux des autres.
Je développe l'esprit d'éveil.
« Le Bouddha a expliqué que les choses apparaissent d'une certaine manière, mais qu'elles n'existent pas réellement de la façon dont elles apparaissent. Si vous analysez tout ce qui vous apparaît, vous constaterez qu'aucune d'entre elles n'existe en soi. Les choses n'existent pas par elles-mêmes, elles n'existent que par leur désignation.
« En me regardant, vous pouvez vous demander si le Dalaï-Lama est dans ma tête, mon front, le haut de mon corps, ou même mes jambes ? Rien de tout cela n'est le Dalaï-Lama. Il n'est ni les parties de son corps ni sa voix. Le Dalaï-Lama existe en dépendance de la désignation de ces parties. Le fait que les choses n'existent qu’en dépendance de leur désignation est l'enseignement le plus puissant du Bouddha. Cependant, nos esprits indisciplinés ont tendance à s'accrocher à l'idée que les choses existent telles qu'elles apparaissent.
« Si vous ne me trouvez pas parmi les parties de mon corps, cela signifie-t-il que je n'existe pas ? Non, mais l'analyse révèle que je n'existe qu'à titre de désignation. »
Sa Sainteté demanda ensuite à l'assemblée de répéter après lui les mantras du Bouddha, d'Avalokiteshvara, de Tara et de Padmasambhava.
Pour conclure la cérémonie de longue vie, un groupe de femmes de Tabo, portant chacune une cape verte de Spiti, chanta des vers de bon augure à Sa Sainteté, qui se tourna vers elles et les écouta attentivement. Sa Sainteté descendit ensuite s'asseoir au milieu de la foule, tandis que des photos étaient prises de tous les participants.
Enfin, Sa Sainteté prit l'ascenseur jusqu'au Temple principal où un groupe de moines appartenant au monastère de Namgyal effectuait des rituels invoquant Vajrakilaya ou Dorjé Phurba. Ils effectuaient ces rituels depuis plusieurs jours, ayant déjà créé un mandala et une série de gâteaux rituels, afin de consacrer des pilules qui seront ensuite mises à la disposition du public. Sa Sainteté s'assit sur une chaise devant le trône et participa aux récitations pendant environ un quart d'heure.
Sa Sainteté quitta ensuite le temple, prit l'ascenseur pour descendre dans la cour et se rendit à pied jusqu'à la voiturette électrique qui le ramena chez lui, en souriant et en saluant les membres de la foule sur son passage.