Thekchèn Tcheuling, Dharamsala, Inde – Ce matin, en entrant dans la salle où il donnait son enseignement en ligne, Sa Sainteté le Dalaï-Lama scruta les visages qui se trouvaient devant lui sur les écrans, sourit et fit un signe de la main avant de s'asseoir. Après que Vén. Jinok s'est incliné pour lui rendre hommage et a chanté le Soutra du Cœur en coréen, Sa Sainteté reprit son enseignement.
« Aujourd'hui est le troisième jour de ces enseignements. Avez-vous pu réfléchir aux sujets de nos discussions ? Lorsque vous recevez des explications de votre maître, ne vous contentez pas de cette première écoute : repensez-y encore et encore. Réfléchissez-y jusqu’à être convaincu de ce que vous avez entendu. Il s'agit d'opérer une transformation dans votre esprit. Réfléchissez à ce que vous entendez ; lisez des livres.
« J’ai reçu des enseignements sur les étapes de la voie depuis mon enfance mais si je ne les avais pas revus dessus, ils n'auraient eu que peu d'impact sur moi. En reprenant ce que j'ai entendu, et en comparant un enseignement avec un autre, ma compréhension s'est développée.
« Ces jours-ci, dès que je me réveille, je récite un verset d’aspiration à atteindre l'éveil. Je réfléchis aux versets de Nagarjouna relatifs à la vacuité ainsi qu’aux quatre erreurs logiques mentionnées par Chandrakirti, qui s'ensuivraient s’il s’avérait que les choses avaient une existence objective. Je ressasse également dans ma tête un verset des Stances fondamentales de la voie médiane de Nagarjouna :
Ni associé aux agrégats, ni différent d'eux,
Les agrégats ne sont pas (dépendants) de lui, et il n'est pas (dépendant) des agrégats.
Le Tathagata ne possède pas les agrégats.
Qu'est-ce donc que le Tathagata ?
« C'est en réfléchissant à des instructions comme celles-ci que nous pouvons développer conviction et expérience vis-à-vis des enseignements.
« L'Ornement des réalisations claires nous dit que les enseignements du Bouddha sont de trois types : les paroles qui viennent de sa bouche, les paroles qui ont été bénies par le Bouddha et les paroles qu’il a autorisées. Bien que la majeure partie du soutra puisse être rangée dans la catégorie des paroles autorisées par le Bouddha, lorsqu'il répond à la conversation entre Avalokitéshvara et Sharipoutra en disant : "Excellent, excellent, ô fils de noble lignée, il en est ainsi. Il en est bien ainsi. C’est exactement comme tu viens de l’exposer qu’il convient de pratiquer la profonde perfection de la sagesse. Les Tathagatas eux-mêmes se réjouissent", c’est lui qui prononce ces mots d'appréciation.
« Au cours du premier cycle de ses enseignements, le Bouddha donna à trois reprises une explication sur les Quatre nobles vérités, concernant leur nature, leur fonctionnalité et leur résultat. Lorsqu'il expliqua leur nature, il déclara que la souffrance devait être reconnue, l'origine éliminée et la cessation actualisée en cultivant la voie. Il n’a pas décrit en détail le non-soi.
« Dans le deuxième cycle de ses enseignements, lorsqu'il expliqua la perfection de la sagesse, il révéla clairement que les choses n'existaient pas de manière inhérente. Vous pouvez le voir, par exemple, dans le Soutra de la perfection de la sagesse en 8 000 versets.
« Les soutras peuvent être particulièrement répétitifs, mais Nagarjouna résume leur sens dans ses six recueils de raisonnement, en particulier dans Les stances fondamentales de la voie médiane, et Chandrakirti les développe. Nous nous appuyons également sur les travaux de Dignaga et de Dharmakirti qui traitent de la raison et de la logique : je vous les recommande à vous aussi, Coréens. Ils nous fournissent les outils qui permettent de prouver la vérité de l'enseignement.
« Aryadéva nous éclaire également sur la façon dont notre vision exagérée nous pousse à créer toutes sortes de problèmes.
De même que le sens tactile [englobe] le corps
L'ignorance est présente dans toutes [les émotions perturbatrices].
En surmontant l'ignorance, vous allez aussi
Surmonter toutes les émotions perturbatrices.
« …Et bien qu'il existe des moyens spécifiques pour contrer la colère et l'attachement, nous pouvons surmonter l'ignorance par la compréhension de la vacuité et de la production en dépendance, et déraciner ainsi toutes les émotions perturbatrices. Rien n'existe tel que cela nous apparaît ; les choses n'existent que par désignation. Lorsque nous serons capables de combiner la compréhension de la vacuité avec l'esprit d'éveil, nous progresserons sur la voie. Ceci conclut notre lecture du cœur de la Perfection de la sagesse. »
Sa Sainteté donna ensuite, à la demande de certaines personnes intéressées, la transmission du Yoga du maître d'Avalokitéshvara intitulé l’Escalier du Potala, qu'il composa au Tibet.
Sa Sainteté souligna de nouveau la nécessité de combiner la pratique de la bodhicitta avec une compréhension de la vacuité. Il confia qu'il avait également une pratique du yidam, mais la principale transformation de son esprit s'est produite en cultivant la bodhicitta. Il fit observer que dans les tantras, on visualise les déités manifestées à partir de la vacuité. La particularité de la méditation sur Vajrabhairava réside dans le fait de combiner l’aspect pacifique de la pratique et son aspect courroucé.
En préparation de la cérémonie de développement de la bodhicitta, Sa Sainteté encouragea ses auditeurs à visualiser le Bouddha Shakyamouni dans l'espace devant eux, entouré de ses huit disciples proches, Maitréya, Samantabhadra, Avalokitéshvara, Manjoushri, etc. Ils sont à leur tour entourés par les dix-sept maîtres de Nalanda.
Il souligna l'importance de cultiver un bon cœur, d'aspirer à aider et à servir tous les autres êtres. Ayant acquis cette précieuse vie humaine, nous devrions être déterminés à lui donner du sens. Il lut brièvement les trois versets qui seront répétés au cours de la cérémonie.
Je prends refuge dans les Trois Joyaux,
Je confesse tous mes méfaits.
Je me réjouis des vertus de tous les êtres.
Je prends à cœur l'état de Bouddha.
Je prends refuge jusqu'à l’obtention de l’éveil
En le Bouddha, le Dharma et l'Assemblée suprême,
Afin de réaliser mes objectifs et ceux d’autrui
Je développe l'esprit d'éveil.
Ayant développé l'aspiration à l’éveil insurpassable,
J'invite tous les êtres comme mes hôtes,
Je m’adonnerai aux merveilleuses pratiques de l’éveil suprême.
Puissé-je devenir un Bouddha afin d’être bénéfique à tous les êtres.
Après la troisième répétition, il récita un verset de célébration et de réjouissance tiré de l'Entrée dans la conduite des bodhisattvas de Shantidéva :
Aujourd'hui, ma naissance est fructueuse. Ma vie humaine est justifiée. Aujourd'hui, je suis né dans la famille du Bouddha. Aujourd'hui, je suis un enfant du Bouddha. [3/25]
Lorsqu'on lui suggéra que des technologies telles que les téléphones portables pourraient s'immiscer dans une pratique spirituelle bouddhiste, Sa Sainteté concéda que si une telle pratique spirituelle ne consistait qu'à s'asseoir tranquillement, cela pourrait se justifier. Or, la pratique principale consiste à développer une aspiration à l'éveil et à aider les autres êtres. En ce sens, un téléphone portable, en tant que moyen de communication, peut être utile.
Interrogé sur la manière de développer la patience, Sa Sainteté affirma qu'elle ne se manifestait pas spontanément. Vous devez faire un effort et vous familiariser avec elle. En outre, ce sont ceux qui nous sont hostiles qui nous apprennent la patience, plutôt que nos amis. Shantidéva le dit clairement dans le chapitre six de son Entrée dans la conduite des bodhisattvas et dans le chapitre huit qui traite de l'altruisme. Il mentionna que l'Entrée dans la Voie médiane de Chandrakirti traite également des vertus de la patience.
En ce qui concerne la gestion des difficultés émotionnelles que la pandémie du Covid a entraînées, Sa Sainteté dit être conscient de l'appréhension et de l'anxiété ressenties par de nombreuses personnes dans différentes parties du monde. Il indiqua qu’à partir d’une perspective plus large, nos corps étaient de la nature de la souffrance. Nous sommes naturellement sujets à la maladie et à la mort. Ce que les gens vivent maintenant peut être considéré comme le résultat du karma passé. D'une part, si nous n'avons pas créé le karma, nous n'en rencontrerons pas les fruits, mais d'autre part, si les causes et les conditions ont été déclenchées, il est difficile d'éviter leur résultat.
Il indiqua que l’inquiétude et l’anxiété n'amélioraient pas notre santé. Il rappela le conseil de Shantidéva : s'il existe un remède à un problème, il n'y a pas lieu de s'en inquiéter, et s'il n'y en a pas, s'inquiéter ne sera d’aucun secours.
Une mère coréenne travaillant à Londres désira savoir comment traiter tous les enfants de la même manière sans se focaliser uniquement sur le siens. Sa Sainteté lui dit que les adeptes de traditions théistes comme le christianisme disent que nous sommes tous les enfants d'un seul dieu, ce qui nous rend tous égaux. Du point de vue bouddhiste, il est utile de considérer tous les êtres vivants comme étant proches et chers, comme les membres de notre propre famille. Il convient d'adopter une approche raisonnée et de réfléchir aux avantages qu'il y a à chérir autrui.
Vén. Jinok remercia Sa Sainteté pour ses conseils en ces temps difficiles. Il lui dit que de nombreuses personnes en Corée avaient été touchées par ce que Sa Sainteté avait à leur dire. Il exprima sa satisfaction d'avoir pu voir et écouter Sa Sainteté en ligne et émit l'espoir que cette opportunité puisse se répéter à l'avenir. Il souhaita à Sa Sainteté une bonne santé.
En réponse, Sa Sainteté déclara : « Nous nous connaissons depuis longtemps. Pour le moment, en raison de la pandémie, nous ne pouvons pas nous rencontrer en personne, mais nous rencontrer en ligne peut nous aider à atteindre le but de notre vie, qui est de parvenir à une transformation intérieure. Je suis sûr que d’autres occasions pour ce genre de rencontres se présenteront à l'avenir. En attendant, soyez heureux. Merci. »