Thekchen Tcheuling, Dharamsala, Inde – Ce matin, Jo Young Ok présenta l'événement au nom du centre du Dharma Labsum Shedup Ling en Corée du Sud et demanda à Sa Sainteté le Dalaï-Lama de s'adresser à l'audience virtuelle. En réponse, il déclara qu'il était honoré d'avoir l'opportunité de leur expliquer le Dharma du Bouddha.
« Le bouddhisme tel qu'il s'est répandu au Tibet a été établi par Shantarakshita sur la base de la tradition de Nalanda. Nous étudions les traités canoniques de l'Inde et nous nous engageons dans la pratique des trois entraînements. C'est le processus que j'ai également suivi en tant que moine. J'ai étudié les textes, j'ai réfléchi à ce que j'avais compris et j'en ai fait l'expérience dans la méditation. Et ce que je vais expliquer aujourd'hui est basé sur cette expérience.
« Je respecte toutes les traditions religieuses. Nous avons des idées et des approches philosophiques différentes, adaptées à l'aptitude des différents adeptes. Le Bouddha a également donné différentes explications en fonction des besoins de ses auditeurs. Cependant, toutes ces différentes traditions soulignent l'importance de cultiver l'amour, la compassion et la non-violence. Historiquement, certaines personnes ont combattu et même tué au nom de la religion, mais ce type de comportement devrait désormais appartenir au passé.
« Toutes les grandes traditions religieuses du monde ont prospéré en Inde et ont coutume de se considérer mutuellement avec le plus grand respect. C'est une attitude qui pourrait bien être adoptée dans d'autres parties du monde.
« Les bouddhas ne lavent pas les actes négatifs avec de l'eau, déclara Sa Sainteté. Ils ne suppriment pas non plus les souffrances des êtres avec leurs mains et ne transposent pas leur propre réalisation chez autrui. C'est en enseignant la vérité de la nature qu'ils libèrent (les êtres).
« Les bouddhas génèrent d'abord l'esprit d'éveil de la bodhicitta. Ayant accumulé les deux collections (de mérite et de sagesse), ils atteignent l'éveil et partagent ensuite leur expérience avec les êtres. C'est sur cette base que le Bouddha a déclaré : "Vous êtes votre propre maître". Que vous choisissiez ou non de vous engager dans la pratique du Dharma est entre vos mains.
« La racine de la souffrance est l'esprit indiscipliné, donc la pratique du Dharma consiste à transformer l'esprit. Le Bouddha a dit que ceux qui font preuve de compassion guident les êtres par de multiples moyens. Comme les êtres sont ignorants de la nature des choses, il a enseigné la vacuité, qui est paisible et sans naissance. Au cours des décennies où j'ai étudié le Dharma et appliqué ce que j'ai compris, j'ai vu une transformation en moi.
« Il est possible de surmonter l'adversité en entraînant l'esprit. Nous développons la concentration sur la base de la pratique de l'éthique, puis nous utilisons l'esprit en un point pour examiner comment les choses existent. En développant ainsi la vue supérieure, nous progressons sur la voie.
« Les Quatre nobles vérités constituent le fondement du Dharma du Bouddha. Le Bouddha a enseigné la souffrance et sa cause, mais il a également montré que la souffrance et sa cause peuvent être surmontées ; la cessation peut être atteinte. Il a enseigné la vacuité, comme l'affirme le Soutra du cœur : "La forme est vide ; la vacuité est forme. La vacuité n'est pas autre que la forme ; la forme aussi n'est pas autre que la vacuité.
« La pratique du Dharma implique l'utilisation de notre conscience mentale et le triple processus d'étude, de réflexion et de méditation. C'est ainsi que l'on peut provoquer un changement en soi. Si vous développez la bodhicitta, même les circonstances défavorables peuvent être transformées en avantage. De même, quelqu'un que vous considérez aujourd'hui comme un ennemi, peut demain devenir votre ami.
« Chaque jour, au réveil, j'invoque la bodhicitta et réaffirme ma compréhension de la vacuité. À cet égard, les trois versets suivants, tirés du livre de Chandrakirti intitulé Entrée dans la Voie médiane, me donnent une grande assurance :
Ainsi, illuminé par les rayons de la lumière de la sagesse,
le bodhisattva voit aussi clairement qu'une groseille à maquereau sur sa paume ouverte
que les trois royaumes dans leur totalité sont sans naissance depuis le début,
et par la force de la vérité conventionnelle, il voyage vers la cessation. 6.224
Bien que son esprit puisse se reposer continuellement dans la cessation,
il génère également de la compassion pour les êtres dépourvus de protection.
En progressant davantage, il surpassera aussi par sa sagesse
tous ceux qui sont nés de la parole du Bouddha et les bouddhas intermédiaires. 6.225
Et comme un roi des cygnes qui s'envole devant les autres cygnes accomplis,
avec les ailes blanches des vérités conventionnelles et ultimes déployées,
propulsé par les vents puissants de la vertu, le bodhisattva naviguait
vers l'excellente rive lointaine, les qualités océaniques des conquérants. 6.226
En clarifiant brièvement la vacuité, Sa Sainteté fit allusion à trois versets clés (6.34-6) de l’Entrée dans la Voie médiane dans lesquels Chandrakirti expose les quatre erreurs logiques qui se produiraient si les choses possédaient une existence objective, si elles avaient un noyau essentiel en elles-mêmes. Ces erreurs sont les suivantes : l'absorption méditative d'un arya sur la vacuité détruirait les phénomènes ; il serait erroné d'enseigner que les choses n'ont pas d'existence ultime ; l'existence conventionnelle des choses pourrait résister à l'analyse ultime de la nature des choses ; il serait insoutenable d'affirmer, comme le fait le Bouddha, que les choses sont vides en elles-mêmes.
Il mentionna deux autres versets des Stances fondamentales de la voie médiane de Nagarjouna :
Ce qui est né de manière dépendante
est expliqué comme étant la vacuité.
Étant une désignation dépendante,
Cela même est la voie du milieu. 24.18
Il n'est rien
Qui ne soit pas né de façon dépendante.
Par conséquent, il n'est rien
qui ne soit pas vide. 24.19
« Lorsque vous aurez acquis une certaine conviction à ce sujet, déclara Sa Sainteté, vous verrez une certaine transformation en vous. Le bouddhisme ne consiste pas simplement à réciter des prières ou à s'asseoir en méditation sans réfléchir, il est fondé sur la compassion. C'est pourquoi Chandrakirti ouvre son ouvrage l’Entrée dans la Voie médiane par un éloge de la compassion :
Les bouddhas naissent des bodhisattvas.
L'esprit de compassion et la cognition non duelle
ainsi que l'esprit d'éveil : ce sont les causes des bodhisattvas. 1.1
Comme la compassion seule est acceptée comme étant
la graine de la récolte parfaite de l'état de Bouddha,
l'eau qui la nourrit, et le fruit qui est depuis longtemps une source de plaisir,
je ferai l'éloge de la compassion au début de tout. 1.2
Sa Sainteté précisa que l'éveil est obtenu par la combinaison de la compassion et de la sagesse. Toutes les souillures mentales, les perturbations mentales et les obscurcissements cognitifs sont éliminés en les employant toutes les deux.
En répondant à une série de questions posées par les membres de l'assistance, Sa Sainteté reconnut que l'humanité est confrontée à un certain nombre de crises, notamment la pandémie de Covid et le changement climatique. Néanmoins, en tant qu'êtres humains, dit-il, nous devons utiliser notre intelligence unique pour donner un sens à notre vie. Il fit remarquer que les diverses difficultés auxquelles il a été confronté depuis qu'il a quitté le Tibet et est devenu un réfugié ont en fait contribué de manière constructive à sa pratique du Dharma.
Interrogé sur la manière de nous préparer à faire face à la mort, Sa Sainteté décrivit la dissolution des éléments et l'apparition des trois visions : l'apparition blanche, l'accroissement rouge et la proche obtention noire, qui culmine dans la manifestation de l'esprit de claire lumière. Il nous recommanda de nous familiariser avec ces étapes de la dissolution. Dans les tantras, il est fait référence à la transformation des trois états de la mort, de l'état intermédiaire et de la renaissance en les trois corps d'un bouddha.
Sa Sainteté mentionna le phénomène connu sous le nom de "thoukdam" qui se produit lorsqu'un méditant accompli meurt. Bien que le corps soit reconnu cliniquement mort, il reste frais et ne se décompose pas. Il rappela que son tuteur Ling Rinpoché était resté dans cet état pendant 13 jours et que récemment un moine du Gyutö Tantric College a maintenu sa méditation sur la claire lumière de la mort pendant 32 jours. Sa Sainteté nota que les personnes ayant l'expérience des étapes de la dissolution à la mort peuvent les reconnaître au fur et à mesure qu'elles se produisent. Ensuite, l'aube de la claire lumière de la mort fournit une occasion de méditer profondément sur la vacuité.
Sa Sainteté répondit à une question sur la façon dont les enfants peuvent faire face à la colère de leurs parents en conseillant de consulter l'ouvrage de Shantideva intitulé l’Entrée dans la conduite des bodhisattvas. Le chapitre six, souligna-t-il, donne des conseils explicites sur les inconvénients de la colère et sur la façon de la gérer, tandis que le chapitre huit vante les avantages de cultiver une attitude altruiste. L'objectif est de cultiver un état d'esprit détendu. Apprendre à maîtriser la colère et développer la bienveillance font partie de la pratique de l'hygiène émotionnelle.
Sa Sainteté dit à une femme, qui s'interrogeait sur la signification de la vacuité dans la vie ordinaire, qu'un résumé de la vision de la mécanique quantique peut être utile. Les physiciens quantiques affirment que les choses semblent avoir une existence objective de leur propre côté, mais à l'examen, il s'avère qu'elles n'existent pas de cette manière. Selon le point de vue bouddhiste, les choses sont vides de toute existence inhérente. Le fait que cette vision profonde soit difficile à accepter est indiqué par les reproches de Chandrakirti à Vasoubandhou, Dignaga et Dharmakirti, des maîtres célébrés pour leurs réalisations dans d'autres domaines, parce qu'ils rejetaient la position de Nagarjouna.
Une autre question sur la colère suscita la même réponse que précédemment. Lisez l’Entrée dans la conduite des bodhisattvas de Shantideva, en particulier les chapitres six et huit. Sa Sainteté recommanda de réfléchir aux vertus de l'amour et de la compassion, aux défauts de la colère et aux avantages de la patience. Il cita Shantideva :
Pour ceux qui ne parviennent pas à échanger leur propre bonheur contre la souffrance des autres, la bouddhéité est certainement impossible - comment pourrait-il même y avoir du bonheur dans l'existence cyclique ? 8/131
En procédant ainsi, de bonheur en bonheur, quelle personne réfléchie pourrait désespérer, après être montée sur le chariot de l'esprit d'éveil qui emporte toute lassitude et tout effort ? 7/30
Une jeune femme décrivit qu'elle se sentait effrayée lorsqu'elle essayait de pratiquer le "donner et prendre" et de générer le vœu du bodhisattva. Sa Sainteté expliqua que nous sommes tellement habitués à être guidés par une attitude d'autosatisfaction que le fait d'essayer d'assumer les actes négatifs d'autrui ou de leur donner notre vertu nous semble terriblement inconnu. Il compara cela à l'apprentissage de la lecture à l'école. Au début, cela semble difficile, mais plus on se familiarise avec, plus cela devient facile.
Sa Sainteté dit à un jeune homme, qui était préoccupé par le fait de s'engager dans une analyse et d'arriver à une conclusion différente de celle de son professeur, que tant que cela n'impliquait pas une diminution du respect pour le professeur, il n'y avait pas de problème à être en désaccord avec lui. Sa Sainteté suggéra que discuter de ses conclusions avec ses amis peut être très instructif.
Interrogé sur la raison pour laquelle les étudiants sont encouragés à étudier les grands classiques bouddhistes indiens et le Recueil de sujets, Sa Sainteté rappela à ses auditeurs que lors de la première série d'enseignements du Bouddha, il a énoncé les Quatre nobles vérités et le Vinaya sans aucun recours à la raison. Au cours du deuxième cycle, il a enseigné la vision profonde de la vacuité et la conduite détaillée d'un bodhisattva, qui reposent toutes deux fermement sur la raison.
L'étude des textes du madhyamaka, tels que les 400 Stances et l’Entrée dans la Voie médiane, ainsi que le Recueil de sujets, constitue un système d'éducation d'une puissance incroyable. Il a été maintenu pendant plus de mille ans au Tibet et a été reproduit et amélioré dans les centres d'apprentissage des monastères rétablis en Inde du Sud. Au Tibet, les étudiants devaient étudier pendant quarante ans avant d'être considérés comme pleinement qualifiés. Aujourd'hui, de nombreux étudiants sont qualifiés en vingt ans, mais le programme d'études reste rigoureux.
Interrogé sur la manière de maintenir de bonnes relations familiales dans le contexte de différentes traditions religieuses, Sa Sainteté déclara sans équivoque que nous sommes tous pareils en tant qu'êtres humains. Le plus important est de cultiver un cœur chaleureux, de maintenir un contact étroit et de s'entraider.
En ce qui concerne le développement de l'esprit d'éveil de la bodhicitta, Sa Sainteté cita un verset de la Précieuse guirlande de Nagarjouna :
Que je sois toujours un objet de plaisir
pour tous les êtres, selon leur désir
Et sans interférence, comme le sont la terre,
l'eau, le feu, le vent, les herbes et les forêts sauvages. 483
L'abbé de Labsum Shedup Ling, Guéshé Tènzin Namkhar, remercia Sa Sainteté pour les profonds enseignements qu'il avait donnés. Il l'assura que les étudiants qui composaient l'audience virtuelle feront de leur mieux pour mettre en pratique ce qu'ils ont compris. Il informa Sa Sainteté que le premier volume de la série Science et philosophie dans les classiques bouddhistes indiens a été traduit en coréen et est actuellement chez l'imprimeur. Il termina en souhaitant que Sa Sainteté visite la Corée.
Sa Sainteté répondit que lorsqu'il a donné au centre le nom de Labsum Shedup Ling, il espérait que les membres seraient en mesure de soutenir leur pratique par l'étude, la réflexion et la méditation pour s'engager dans les trois entraînements supérieurs. Le but est de progresser sur le chemin de l'éveil et Sa Sainteté dit à ses auditeurs qu'il continuait à prier pour qu'ils soient capables d'y parvenir. Enfin, il mentionna qu'il est confiant que ceux qui ont établi un lien avec lui dans cette vie pourront renouveler ce lien dans le futur.