Bodhgaya, Inde – C'était une autre matinée froide et brumeuse à Bodhgaya alors que Sa Sainteté le Dalaï-Lama fit un court trajet en voiture jusqu'à l'Institut indien de management (IIM) sur le campus de l'université du Magadh. Il fut reçu par la directrice, le Dr Vinita Sahay, et ses collègues, qui l'ont tout d'abord invité à planter un jeune arbre pour commémorer sa visite.
Devant une assemblée de 180 étudiants, professeurs et invités assis dans un espace extérieur clos, Sa Sainteté fut officiellement accueilli par l'un des étudiants, qui résuma ses quatre engagements. On lui offrit une écharpe, une marque traditionnelle d'estime. Il exposa ensuite un livre de souvenirs sur l'Institut. En signant le premier exemplaire, Sa Sainteté écrivit : « La connaissance combinée à la compassion mène au progrès ».
Dans son discours d'ouverture, le Dr Vinita Sahay nota que l'Institut est encore relativement jeune, ayant été lancé par le Ministère du développement des ressources humaines en 2015. Elle fit observer que chacun des 20 instituts IIM en Inde a sa propre identité distincte. Elle décrivit Sa Sainteté comme une personne qui transmet un message de paix, de non-violence, de compréhension religieuse, de responsabilité universelle et de compassion. Elle expliqua qu'à mesure que l'Inde devient un acteur de plus en plus important dans l'économie mondiale, l'IIM de Bodhgaya s'efforce d'élargir le pool de talents en management nécessaire pour l'avenir. Elle définit l'éducation comme un outil pour changer le monde et réaliser des progrès durables. Elle fit remarquer que dans le monde frénétique d'aujourd'hui, des pratiques comme la pleine conscience sont très précieuses.
« Votre Sainteté, dit-elle, vos enseignements nous guident quant à ce qu’il faut faire. C'est vous qui nous donnez l'exemple en cultivant la bonté de cœur, la compassion, le pardon et la tolérance et en les partageant avec tout le monde. Ces derniers temps, vous avez parlé de la valeur du savoir indien ancien. Nous avons le privilège de vous avoir parmi nous pour parler aux jeunes esprits indiens de leurs anciennes traditions. »
Sa Sainteté répondit qu'il était très heureux de partager une partie de son expérience avec les jeunes membres de l'auditoire.
« Tout d'abord, observa-t-il, nous sommes tous des êtres humains. Comme les autres êtres, nous voulons être heureux et ne voulons pas souffrir, et pourtant beaucoup des problèmes auxquels nous sommes confrontés sur cette planète sont notre propre création. Pourquoi ? À cause d’une vue à court terme et de l'étroitesse d'esprit. Cependant, la nature humaine fondamentale est compatissante. Nous sommes des animaux sociaux qui dépendent des autres, il est donc naturel pour nous de montrer de l'intérêt pour autrui.
« L'avenir de chaque individu dépend des autres. Dans le monde moderne d'aujourd'hui, la technologie nous a réunis comme une seule famille. Cependant, nous continuons à nous voir en termes de "nous" et "eux", malgré notre appartenance à une seule communauté humaine. Il est de notre responsabilité d'éliminer les problèmes créés par l'homme, comme la guerre. Bien que nous soyons maintenant au 21e siècle, une ère de communications sans précédent, nous semblons toujours penser que l'utilisation de la force est la solution à nos problèmes. C'est une erreur.
« Il y a un conflit généralisé au Moyen-Orient. La pauvreté est partout dans le monde, et pourtant, de vastes sommes d'argent sont dépensées pour les armes. C'est vraiment très triste. La paix et l'harmonie véritables ne seront pas établies par la force. Le fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres pourrait être comblé si l'on consacrait moins d'argent aux armes, qui ne sont que des outils de destruction. Partout dans le monde, les gens parlent de paix, mais la paix ne sera pas atteinte simplement en priant pour elle. Nous devons faire un effort pour réduire la violence et l'utilisation des armes.
« Nous devons tirer des leçons de Gandhi-ji et de l'utilisation qu’il a faite de la non-violence. Les problèmes doivent être résolus par le dialogue, en adoptant une approche non-violente. C'est une très vielle tradition en Inde. De grands penseurs du passé comme Mahavira et le Bouddha Shakyamouni ont défendu les anciennes traditions indiennes d'ahimsa et de karouna. Ces qualités sont très pertinentes dans le monde d'aujourd'hui. Gandhi a montré au monde comment nous pouvons employer la non-violence dans tout ce que nous faisons ; c'est quelque chose que le monde doit apprendre.
« L'Inde est la seule nation qui peut combiner une éducation moderne, largement orientée vers des objectifs matériels, avec ahimsa et karouna et l’ancienne compréhension du fonctionnement de l'esprit et des émotions. Plus votre regard est compatissant, plus vous pouvez mener votre vie avec transparence, confiance en soi et force intérieure.
« Toutes les grandes traditions religieuses portent un message similaire quant à l'importance de l'amour. Lorsque les gens sont motivés par l'amour bienveillant, il est impensable de se battre. L'admirable tradition d'harmonie religieuse de l'Inde est un exemple à suivre pour les autres. Nous pouvons adopter des positions différentes sur le plan philosophique, mais comme le montre l'Inde, toutes les grandes traditions religieuses peuvent vivre ensemble dans la paix et le respect.
« Les pratiques de l'Inde pour cultiver un esprit calme et respectueux (shamatha) et la vue supérieure de la réalité (vipashyana) ont produit de nombreux grands penseurs. Aujourd'hui, notre conduite doit être guidée par la non-violence et motivée par la compassion. Parce que la philosophie et la psychologie de l'Inde ancienne sont guidées par la raison et la logique, il y a une résonance avec la physique, en particulier la physique quantique, aujourd'hui. Cette approche, illustrée par la tradition de Nalanda, est préservée dans les centres d'études tibétains rétablis en Inde du Sud ».
Avant d'inviter les étudiants à lui poser des questions, Sa Sainteté les invita à examiner comment les connaissances indiennes anciennes pourraient élargir et enrichir leurs études aujourd'hui.
On lui demanda d'expliquer ce qu'est la méditation et il répondit que shamatha s'intéresse au développement de la concentration en un point. Elle concentre et renforce l'esprit, qui est généralement distrait par l'afflux sensoriel. C’est important parce que les émotions destructrices comme la colère, la frustration et la peur, ainsi que les émotions positives comme la compassion, font partie de notre mental plutôt que de notre conscience sensorielle. Vipashyana, ou la vue supérieure de la réalité, implique une analyse, une réflexion constante sur les choses.
Sa Sainteté poursuivit en expliquant que la frustration survient lorsque nous entretenons des attentes irréalistes. Par conséquent, il recommanda d'analyser les situations sous de nombreux angles différents pour comprendre ce qui est réellement faisable. C'est une question d'utilisation de l'intelligence. Il concéda que le désir peut être une force positive parce que sans lui, il n'y aurait pas de progrès. Cependant, il faut être réaliste quant à ce que l'on peut réaliser et s'en contenter.
Il fit remarquer que l'égocentrisme engendre l'anxiété et d'autres problèmes. Il réduit notre sens de la compassion et avec lui notre paix de l'esprit. Il conseilla à ses auditeurs de lire le huitième chapitre de l’Entrée dans les pratiques du bodhisattva de Shantidéva, qui fournit une merveilleuse explication de l'altruisme.
Sa Sainteté souligna que bien qu'il soit utile d’éprouver du regret quant à ses erreurs, le fait de regretter au point de se démoraliser n'aide pas. Le regret a sa place. Reconnaître ses erreurs est une bonne chose et les regretter est également une bonne chose. Mais il est important de conserver un sentiment de confiance en soi. Si vous vous sentez inutile et bon à rien, vous risquez de gâcher l'opportunité que représente cette précieuse vie humaine.
Le Dr Sabyasachi Mohapatra offrit des paroles de remerciement. Avant de quitter la scène, Sa Sainteté fit encore une fois cette remarque aux étudiants : s'ils peuvent d'abord raviver en Inde l’ancien savoir indien sur l'esprit, ils pourront donner l'exemple quant à la manière d'amener un monde plus pacifique.