Aurangabad, Maharashtra, Inde
Sa Sainteté le Dalaï-Lama s'est envolé hier de Delhi à Aurangabad à l'invitation du Centre
international de formation de Bhikkhus de Lokuttara. Il visita la ville pour la dernière fois il y a plus
de 40 ans, en mai 1978. Ce matin, avant de partir pour le Centre, il rencontra brièvement des
représentants des médias.
Il leur souhaita une bonne matinée et leur dit qu'il avait hâte de rencontrer des gens pendant qu'il était ici et d'échanger des idées.
« Je me décris généralement comme un messager de la pensée indienne, leur dit-il. Je crois que les traditions indiennes de longue date d' 'ahimsa' - non-violence et 'karuna' - attitude de compassion, sont très pertinentes pour le monde d'aujourd'hui. C'est pour ça que j'en parle dès que possible. De plus, grâce à l'ahimsa, l'Inde est un pays où toutes les religions coexistent en paix. Non seulement j'admire cet exemple, mais je m'engage à promouvoir l'harmonie interreligieuse. »
« Une fois, lors d'une grande réunion au Ladakh, un imam local déclara que si les musulmans
avaient une dévotion claire à Allah, ils doivent aussi montrer de l'amour à toutes les créatures
d'Allah. »
« D'après mon expérience, l'observation d' 'ahimsa' et 'karuna' apporte la paix intérieure. Comme tous les êtres humains ont besoin de la paix de l'esprit, "ahimsa" et "karuna" restent d'actualité. Afin d'inculquer des valeurs plus profondes dans le monde, nous devons réveiller la connaissance de ces qualités dans l'Inde moderne. »
« Mon corps, né au Tibet, est tibétain, mais mon esprit, rempli de connaissances enracinées dans l'Inde ancienne, est plus indien que celui de certains des Indiens modernes que je rencontre. Je suis convaincu qu'une meilleure appréciation d'ahimsa et de karuna peut être obtenue par l'éducation. Mon premier engagement est donc de promouvoir une humanité plus compatissante. »
« J'ai hâte de rencontrer les adeptes de la tradition Theravada aujourd'hui. Des questions ? »
Interrogé sur Karmapa Rinpoché, Sa Sainteté répondit qu'il ne savait pas ce qu'il faisait en ce moment, mais qu'il est une très bonne personne qui porte une grande attention à ses études. Le Karmapa est un enseignant spirituel important, ajouta-t-il, mais ce n'est pas tant sur l'individu que nous devons compter. Bien qu'il n'y ait pas de réincarnations du Bouddha ou de Nagarjuna, c'est l'étude de ce qu'ils ont enseigné qui compte. Le plus important est de développer une compassion chaleureuse.
Invité à commenter le rôle du Dr Ambedkar, Sa Sainteté rappela qu'il avait commencé son
mouvement pour faire revivre le bouddhisme en Inde à Nagpur en 1956. Sa Sainteté nota avec
satisfaction qu'Ambedkar était pour l'égalité dans la société et s'opposait au système des castes.
Quant à la contribution que le Centre de formation de Bhikkhu peut apporter, Sa Sainteté souligna
que le Bouddha était un enseignant. De plus, il encourageait ses disciples à ne pas accepter ce qu'il
enseignait juste par respect pour lui, mais après l'avoir étudié et examiné comme un orfèvre teste
l'or.
Le ciel bleu et clair était parsemé de nuages alors que Sa Sainteté se dirigeait vers le nord-est de la ville vers le Lokuttara Mahavihara, le centre d'entraînement de Bhikkhu fondé par le vénérable Bodhipalo Mahathero. Un moine supérieur était là pour l'accueillir à son arrivée. Il l'escorta jusqu'au pied d'une statue colossale de Bouddha dorée, dont les mudras de main indiquent l'enseignement et la méditation. Sa Sainteté inclina la tête et passa quelques moments en prière et en réflexion. Ensuite, il planta un arbre de Bodhi et dans un temple adjacent, il rendit à nouveau hommage à la statue du Bouddha.
Plus de 150 Bhikkhus étaient assis sur le sol du Centre de formation pour écouter Sa Sainteté. Le Dr Harshadeep Kamble demanda au vénérable abbé Bodhipalo Mahathero d'accueillir Sa Sainteté, Mahanayaka Thero du Sri Lanka et un Mahathera supérieur de Thaïlande. Il leur offrit des khatas blanches et des fleurs. M. Kamble annonça que depuis que le Centre de formation avait été achevé il y a un an, deux groupes de Bhikkhus s'y étaient formés.
Ven Bodhipalo Mahathero accueillit ses invités et célébra la présence de Sa Sainteté comme une
bénédiction pour la communauté bouddhiste indienne. Il dit que peu importe que les moines
appartiennent aux traditions Theravada, Mahayana ou Vajrayana, ils étaient les bienvenus. Il
déclara que les moines devaient être optimistes. Ce qu'ils devaient faire, c'était comprendre et
pratiquer. Se rassembler, comme le font les bouddhistes pour l'actuelle Congrégation Bouddhiste
Mondiale de trois jours, est le besoin du moment. Il en résultera, dit-il, un renouveau de
l'enseignement du Bouddha. Il reconnut que le Dr Ambedkar avait réintroduit le bouddhisme dans la
société moderne, ainsi que ses efforts pour rendre l'Inde forte.
« Ces jours-ci, je n'utilise plus les termes Hinayana et Mahayana, observa Sa Sainteté au début de son discours. Les enseignements de la tradition Theravada furent préservés en Pali. Les enseignements de la tradition Nalanda furent enregistrés en sanskrit, je préfère donc parler des traditions Pali et Sanskrit. »
« Après son illumination, le Bouddha se rendit à Sarnath où il expliqua ce qui allait devenir le fondement de ses enseignements. Il enseigna le Vinaya, la discipline monastique, les Quatre Nobles Vérités, leurs 16 caractéristiques et les 37 facteurs de l'illumination. Les Quatre Nobles Vérités sont le fondement même de ce qu'il enseigna. »
« Nous vivons tous de vraies souffrances, mais seuls les êtres humains ont l'intelligence de pouvoir
en comprendre la cause. Il est important non seulement de comprendre à quoi ressemblerait une
véritable cessation de la souffrance, mais aussi qu'il est possible de l'atteindre. En fin de compte, la
cause de la souffrance est l'ignorance, une vision erronée de la réalité. Le chemin, d'autre part, est
de comprendre la réalité. En même temps, nous devons savoir que l'esprit est pur et que les
afflictions mentales qui le trouble ne font pas partie de l'esprit et peuvent être éliminées. Nous
devons comprendre qu'il est possible de parvenir à la cessation dans le contexte de
l'interdépendance -pratityasamutpada. »
« Shamatha, la pratique consistant à développer un esprit pacifié et concentré et vipashyana, la compréhension de la réalité, se retrouvent aussi dans les traditions non bouddhistes. Cependant, ce qui est unique dans l'approche bouddhiste, c'est qu'elle permet de comprendre l'idée qu'il n'y a pas de moi indépendant du corps et de l'esprit. »
« Dans la tradition Nalanda, la vision de la réalité des écoles rien qu'esprit et de la voie du milieu est
similaire à celle de la physique quantique. C'est-à-dire que les choses extérieures n'existent pas
telles qu'elles apparaissent. L'ignorance est basée sur les apparences et est une acceptation que la
façon dont les choses apparaissent est la façon dont elles existent. La physique quantique a surtout
examiné les choses extérieures, mais souligne le rôle crucial de l'observateur. Cependant, seul le
bouddhisme examina l'observateur. »
« Vous pouvez voir mon corps et entendre ma voix, mais vous ne savez pas où se trouve mon sens du "je". »
« Lorsque le Bouddha enseigna pour la première fois à Sarnath, il expliqua l'éthique, la
concentration et la sagesse - "shila", "shamatha" et "vipashyana", qui correspondent aux trois
collections d'enseignements - "Vinaya", "Sutra" et "Abhidharma". Ce sont les fondements de son
enseignement. L'éthique correspond à la discipline de la communauté ou Sangha, composée des
Bhikshus, Bhikshunis, Upasakas et Upasikas. »
« Quand il s'agit de cultiver un esprit calme et constant, nous devons reconnaître les obstacles à la concentration, tels que la paresse, l'ennui et l'excitation. Dans la sagesse, il y a des niveaux de compréhension plus subtils et plus grossiers de l'altruisme. »
« La deuxième série d'enseignements du Bouddha à Rajgir fut donnée à un public plus restreint. Ils furent préservés en sanskrit, la langue des érudits. Il y enseignait la perfection de la sagesse, qui dit que rien n'existe tel qu'il apparaît. Dans la troisième série d'enseignements, également enregistrée en sanskrit, il parla de l'esprit subtil qui comprend 'shunyata' -la vacuité de l'existence indépendante. »
Sa Sainteté parla de la façon dont le Bouddha avait été un prince, qui quitta sa famille et devint un
bhikshu. Ses cinq premiers disciples devinrent des bhikshus comme lui parce qu'il est plus facile de
progresser mentalement si l'on observe l'éthique d'un moine ou d'une religieuse. Sa Sainteté observa
que le Bouddha accordait les mêmes chances aux hommes et aux femmes en conférant à la fois les
vœux de Bhikhu et ceux de Bhikhuni. Le Bouddha passa six ans à pratiquer la méditation dans des
conditions austères, approfondissant sa compréhension jusqu'à ce que toute ignorance soit éliminée
et qu'il devienne un Bouddha. C'est ainsi que nous apprenons que l'éthique est le fondement de la
pratique. Je suis donc heureux de savoir que vous prenez ici des mesures actives pour perpétuer la
Sangha des Bikkhus.
Sa Sainteté expliqua que le Bouddha confia le soin du Dharma, en particulier le maintien du Vinaya, à Mahakashyapa, à qui succéda Ananda, Shanavasika, Upagupta, Dhitika, Krishna et Sudarshana. En raison de désaccords, 18 écoles de pensée virent le jour. Des quatre ordres majeurs de Vinaya, que sont le Theravada, le Mahasanghika, le Mulasarvastivada et le Sammitya, aujourd'hui, seuls les Theravada, Mulasarvastivada et Dharmagupta survivent. Les codes de discipline ou Pratimoksha en Pali et en Sanskrit sont essentiellement les mêmes et diffèrent sur de petits points de détail.
« C'est merveilleux que vous portiez une attention particulière à l'entraînement de Bhikhus. »
Enfin, Sa Sainteté expliqua trois niveaux de connaissance. Le premier s'acquiert en écoutant ou en lisant, mais a tendance à être facilement déformée par d'autres points de vue. Le second implique la réflexion et l'analyse, et implique la pénétration du sens. Le troisième niveau concerne l'approfondissement de la compréhension en se familiarisant avec ce qu'on a compris au cours de la méditation. Cela nous amène à développer la perspicacité.
Au cours de ses remerciements, Ven Bodhipalo Mahathero, au nom du Lokuttara Mahavihara, offrit des répliques de la grande statue dorée du Bouddha à Sa Sainteté, Mahanayaka Thero du Sri Lanka et le Mahathera supérieur de Thaïlande. Ce dernier offrit une statue en cristal du Bouddha à Sa Sainteté, tandis que Sa Sainteté offrit une statue à Lokuttara Mahavihara.
Sa Sainteté rejoint ensuite les doyens des moines pour le déjeuner, avant de retourner à son hôtel à Aurangabad. Demain, il donnera une conférence publique.