Thekchèn Tcheuling, Dharamsala, Inde – Ce matin, la veille de son 84ème anniversaire, près de 300 retraités de l'Administration centrale tibétaine (CTA) et 200 membres de leurs familles ont offert des prières et un rituel élaboré pour la longue vie de Sa Sainteté le Dalaï-Lama.
Le chemin qui traverse la cour jusqu'au Tsouglagkhang, le temple tibétain principal, avait été décoré de couleurs cérémonielles vives qui contrastaient avec le ciel gris de la mousson proche. Sa Sainteté fut escorté depuis sa résidence jusqu’au temple par l'ancien Kaleun Tripa, Tènzin Namgyal Tethong, président du comité du personnel retraité du CTA, Losang Djinpa et le disciplinaire du monastère de Namgyal, Vén. Tènzin Norbu.
Comme il en a l'habitude, Sa Sainteté s'arrêta en chemin pour saluer des amis et des sympathisants. À plusieurs reprises, des enfants de l'école du Village d'enfants tibétain furent visiblement ravis qu'il leur ait adressé la parole. À l'intérieur du temple, Sa Sainteté salua le Sikyong avec les membres de l'actuel Kashag, le juge en chef et le président du Parlement en exil. Il enjoignit plusieurs officiels retraités autour du trône à accueillir Gardjé Khamtroul Rinpoché, qui est maintenant confiné dans une chaise roulante.
Une fois que Sa Sainteté eut pris place sur le trône, le président du comité des offrandes de longue vie du CTA, Losang Djinpa, offrit le mandala et la triple représentation du corps, de la parole et de l'esprit du Bouddha, et d’anciens secrétaires offrirent des écharpes au début des prières. Après la récitation d'une louange de Troulshik Rinpoché, Histoire des vies antérieures des dalaï-lamas, émanations d'Avalokitéshvara, Sa Sainteté prit la parole.
« Aujourd'hui, d'anciens membres du personnel du CTA offrent cette longue cérémonie. Votre foi, votre dévotion et votre lien spirituel sont forts. Je vous remercie de prier pour que ma vie soit longue. Ce matin, l'ancien Kaleun Tripa, Tènzin Namgyal m'a escorté ici. Je le connais depuis qu'il est petit garçon, lorsque son père était un officiel tibétain à Mussoorie.
« En tant que réfugiés en exil, nous avons laissé derrière nous beaucoup de vieilles coutumes, ce qui pour moi était comme une libération. Certaines personnes ont observé qu'avant cela, je vivais dans une cage dorée. Heureusement, grâce à la bienveillance de mes tuteurs, j'ai pu étudier.
« Nous avons perdu notre pays et nous nous sommes exilés, mais nous avons tous travaillé dur pour préserver notre religion, notre culture et notre identité. Cela fait 60 ans que notre pays est perdu, toujours privé de liberté, mais nous avons des liens de longue date ici en Inde. En exil, nous avons pu étudier les textes bouddhistes classiques des maîtres de Nalanda qui témoignent des relations uniques entre l'Inde et le Tibet.
« Dans le passé, certains ont qualifié la tradition tibétaine de lamaïsme, comme s'il ne s'agissait pas d'une tradition bouddhiste pure, mais c’est la véritable tradition de Nalanda que nous avons maintenue en vie. En perdant notre pays, nous avons eu l'occasion d'étudier, de pratiquer et de partager les instructions vastes et profondes des enseignements du Bouddha. Nous pouvons les expliquer dans notre propre langue, le tibétain. Nous avons pu préserver et promouvoir nos traditions bouddhistes, non pas sur la base d'une foi aveugle, mais en utilisant la raison et la logique. En conséquence, de nos jours, les gens d'autres pays bouddhistes et de pays qui ne s'intéressaient pas au bouddhisme auparavant se sont intéressés à notre savoir.
« Quoi qu'il en soit, comme le dit un opéra : "Nous, les vieux, on devrait se réunir, s'amuser et célébrer.
« Le Tibet est une terre dont Avalokitéshvara prend soin. L'histoire et le récit de ses incarnations au Tibet nous le montrent. Il a 1 000 yeux et 1 000 bras, mais comme je peux parler et communiquer directement avec les gens, je me considère comme son messager. Au début de notre exil, alors que j'étais encore à l'ashram Swarag, j'ai rêvé que j'étais dans le Djokhang à Lhassa, devant la statue connue sous le nom d'Avalokitéshvara à cinq visages apparu spontanément. Il m'a fait signe et on s'est embrassés. Il m'a dit de garder le moral et de ne pas abandonner. Plus tard, pendant la révolution culturelle, cette statue a été détruite, mais quelques morceaux des visages ont été sauvés et m'ont été apportés ici. J’ai placé certains d’entre eux à l'intérieur de l'Avalokitéshvara à mille bras que nous avons ici ; d'autres sont gardés dans une boîte à côté.
« Ceux parmi vous qui ont travaillé dur pour le CTA seront pris en charge par Avalokitéshvara une vie après l’autre. Ce n'est pas une question de foi creuse, c'est fondé sur la raison. La conscience a sa propre cause substantielle. C'est parce que l'esprit précède l'esprit dans une continuité que nous parlons de l’enchaînement des vies. Et parce que vous avez un lien unique avec lui à travers votre travail, Avalokitéshvara prendra soin de vous. Dans ces circonstances, essayez de cultiver la compassion, l’amour bienveillant et la sagesse qui comprend la vacuité.
« En ce moment difficile de notre histoire, vous avez fait de votre mieux, alors priez Avalokitéshvara de vous aider à réaliser la vacuité et l'esprit d'éveil de la bodhicitta. Rappelez-vous les paroles de Milarépa au sujet du lien entre les patrons dans la vallée et les pratiquants qui travaillent ensemble sur la colline pour que tous puissent atteindre l’éveil.
« À une époque pleine de bouleversements dans le monde entier parce que les gens sont dirigés par des émotions perturbatrices comme la colère et l'attachement, essayez de développer l'amour et la compassion et consacrez-vous à œuvrer pour la paix dans le monde. Nous prions pour le bien-être de tous les êtres, mais en réalité, ceux que nous pouvons réellement aider sont les 7 milliards d'êtres humains qui sont nos compagnons sur cette terre. C'est pourquoi, où que j'aille, j'encourage les gens à être plus chaleureux. Si vous avez bon cœur dans votre vie quotidienne, vous trouverez assurément plus de paix et de satisfaction.
« Nous mourrons tous, mais quand ça arrivera, vous pourrez partir sans regret. Vous vous souviendrez avoir suivi les conseils de Sa Sainteté et fait de votre mieux pour qu'Avalokitéshvara prenne soin de vous une vie après l’autre. »
Conduits par leur abbé Thamtog Rinpoché, les moines du monastère de Namgyal procédèrent à un rituel de longue vie basé sur la pratique d'Amitayus tirée des Visions secrètes du cinquième Dalaï-Lama. Au cours de cette cérémonie, une longue procession d'anciens fonctionnaires du CTA porta une série d'offrandes à travers le temple. À la fin de la cérémonie, d'anciens Kaleuns et des responsables du CTA remirent personnellement des écharpes à Sa Sainteté, dont Khamtroul Rinpoché, qui fut monté sur le trône.
Des membres de l'Institut tibétain des arts du spectacle, jouant une variété d'instruments tibétains modernes et traditionnels, interprétèrent un chant de louange et de gratitude.
Avant l'offrande du mandala de remerciement, Sa Sainteté parla à nouveau.
« Ceux parmi vous qui ont consacré leur corps, leur parole et leur esprit à la cause du Tibet et à la préservation de notre patrimoine spirituel ont donné du sens à leur vie. De mon côté, je suis toujours déterminé à vivre longtemps. Troulshik Rinpoché conseilla d'imiter Thangtong Gyalpo, qui vécut 125 ans, mais ce sera peut-être difficile d’arriver jusque là. D'autres amis parmi les méditants que je connais m'ont suggéré de suivre l'exemple de Pantchèn Losang Tcheugyèn et de vivre jusqu'à 108 ans. Je n'en sais rien, mais je crois que je pourrais vivre jusqu'à 90, voire 100 ans. Quoi qu'il en soit, je fais toujours des prières pour le bien des êtres et l'épanouissement du Dharma :
Tant que durera l’espace,
Et tant qu’il y aura des êtres,
Puissé-je moi aussi demeurer dans le monde
Pour en dissiper les souffrances.
« J'ai l'impression d'avoir été en mesure de rendre service et si je vis plus longtemps, je pourrais être d'une plus grande aide.
Dans les régions où l'enseignement suprême et précieux
Ne s'est pas répandu, ou là où il l’a fait pour ensuite décliner,
Puissé-je illuminer ce trésor de bonheur et de bienfaits
Avec un esprit profondément ému par une grande compassion.
Sinon, espérer une longue vie sans but valable n'a aucun sens. Vous pouvez à présent offrir le mandala de remerciement. »
De nombreux Tibétains âgés qui ont servi Sa Sainteté à divers titres au fil des ans lui offrirent une écharpe, qu'il rendit avec une tape affectueuse sur la tête. Du temple jusqu’à la voiture qui l'attendait dans la cour, nombre de gens du public offrirent leurs vœux à Sa Sainteté et il répondit par un sourire, quelques mots ou une poignée de main. Finalement, il rentra chez lui pour déjeuner.