Mundgod, Karnataka, Inde – Le professeur Svyatoslav V Medvedev de l'Académie des sciences de Russie et le professeur Alexander Yakovlevlevich Kaplan de l'Université d'État de Moscou, des membres russes de leur équipe de recherche et huit moines tibétains qui ont suivi une formation en Russie ont rencontré Sa Sainteté le Dalaï-Lama ce matin. L'un des principaux axes de leur travail est l'étude du « thoukdam », ce phénomène qui se produit parfois lorsqu'un méditant accompli meurt et que sa conscience subtile demeure, même après la mort clinique.
Telo Rinpoché dit à Sa Sainteté que l'équipe a rendu visite aux abbés des différents monastères et installé un laboratoire de recherche au monastère de Tashi Lhounpo. Des équipes de recherche ont également été constituées dans les monastères. En octobre, les Russes ont visité les monastères de Sherabling et de Dolanji dans l'Himachal Pradesh et prévoient d'établir des liens avec Namdroling lors de leur prochaine visite à Bylakuppe.
Huit moines tibétains ont suivi une formation à l'Institut Human Brain, à l'Institut High Nervous Activity and Neurophysiology et au Centre Consciousness Studies de l'Université d'État de Moscou. La moine purent acquérir une compréhension de la théorie qui sous-tend la recherche à laquelle ils doivent participer, ainsi qu’une formation pratique en électroencéphalographie (EEG).
Il s'agit de la deuxième visite des scientifiques russes dans les monastères du sud de l'Inde, au cours de laquelle les monastères ont accepté de participer au projet.
Sa Sainteté observa qu'un facteur clé à retenir est le conseil du Bouddha : « Comme le sage teste l'or en le brûlant, le coupant et le frottant, ainsi, bhikshous, n’acceptez mes paroles qu’après les avoir testées, et pas simplement par respect pour moi ». Par ces paroles, il encouragea ses disciples à examiner attentivement ce qu'on leur avait dit, à l'examiner et à se demander pourquoi il en est ainsi. Sa Sainteté rappela que c'est ce conseil qui l’avait incité à pour entamer des discussions avec des scientifiques il y a près de 40 ans.
« Au début du XXe siècle, remarqua-t-il, pour la plupart des scientifiques, seul le cerveau était un objet d'étude valable. Mais dans les dernières années du siècle, beaucoup avaient commencé à accepter la possibilité que la conscience puisse affecter le cerveau. Je crois que si les scientifiques poursuivent leurs recherches sur la conscience et le cerveau, ils seront peut-être en mesure d'offrir des solutions à de nombreux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui.
« La compréhension du fonctionnement de l'esprit et des émotions de l'Inde ancienne est peut-être consignée dans des textes de type religieux, mais aujourd'hui elle peut être étudiée dans un contexte parfaitement académique.
« De nos jours, le public est plus enclin à prêter attention aux preuves scientifiques qui démontrent les bienfaits de la bonté de cœur, plutôt qu'aux conseils religieux. Par exemple, l'observation scientifique selon laquelle il est dans la nature humaine d'être compatissant, parce que nous sommes des animaux sociaux qui dépendent des diverses communautés dans lesquelles ils vivent, est conforme au bon sens. La preuve que la bonté de cœur se traduit par un plus grand bien-être physique et mental est une raison convaincante pour la cultiver. Quand une personne est heureuse, elle contribue à rendre sa famille heureuse, et de là, des familles heureuses formennt des communautés plus heureuses. »
Sa Sainteté se souvint du Dr Ian Stevenson qui a mené des recherches approfondies sur les souvenirs que certains enfants ont de leurs vies antérieures. Il mentionna des cas qu'il a personnellement rencontrés. Il est clair que le corps physique de l'enfant de la vie présente n'a aucun lien avec le corps physique de la vie dont il se rappelle, le lien réside donc dans la continuité de la conscience. Il parla brièvement des différents degrés de subtilité de la conscience. La conscience éveillée tend à être dominée par les entrées sensorielles, mais dans l'état de rêve, la conscience sensorielle est absente. Il existe des niveaux de conscience encore plus subtils dans le sommeil profond et au moment de la mort.
Sa Sainteté pensa que l'équipe russe pourrait vouloir également étudier cet aspect de la conscience. M. Medvedev répondit que si Sa Sainteté lui confiait cette tâche, il créerait une équipe pour l'étudier et coopérer avec les moines qu'ils connaissent déjà. Il souhaita informer Sa Sainteté qu'il y a quelques jours, il a eu des entretiens avec le Dr Richie Davidson, fondateur du Center for Healthy Minds de l'Université du Wisconsin-Madison. Ils ont réalisé que leur approche était semblable et accepté de partager leurs recherches.
Citant un exemple d'un souvenir de vie antérieure, Sa Sainteté rapporta que, lorsqu'il rencontra le grand érudit Oupadhyaya, le pandit avait récité à voix haute en sanskrit le verset d'ouverture du commentaire de Chandrakirti sur les Stances fondamentales de la voie médiane de Nagarjouna. Sa Sainteté avait été ému aux larmes, sans comprendre pourquoi.
« J'ai un grand respect pour toutes les religions qui, au cours des siècles, ont profité à un grand nombre de personnes. Mais le bouddhisme est la seule qui mette l'accent sur l'utilisation de la raison. Comme il est dit dans les Stances fondamentales, l'enseignement du Bouddha est fondé sur les deux vérités ; si la vérité de la cessation et la vérité du chemin sont liées à la vérité ultime, la vérité de la souffrance et la vérité de sa cause appartiennent à la vérité conventionnelle. Et c'est sur cette base que nous expliquons les Trois Joyaux du refuge.
« Ces jours-ci, j'exhorte mes amis indiens à comprendre que l'Inde a la possibilité de combiner l'éducation moderne, qui contribue au développement matériel, avec le savoir indien ancien qui contient les germes de la paix de l'esprit ».
Sa Sainteté suggéra que la recherche scientifique puisse examiner la différence entre les moines qui méditent sur la vacuité, ceux qui méditent pour développer le calme mental et ceux qui méditent la voie tantrique. Il souligna que dans le cas de la méditation sur la vacuité, il est important que le méditant ait une idée claire de l'objet à réfuter. Il doit voir de quelle façon les choses se produisent en dépendance et comment elles apparaissent à l'esprit. Comme l'écrit Tsongkhapa :
Les apparences réfutent l'extrême de l'existence,
La vacuité réfute l'extrême de l’inexistence ;
Quand on comprend la relation de cause à effet du point de vue de la vacuité,
On n’est pas captivé par l'une ou l'autre vue extrême.
Il ajouta qu’acquérir une telle réalisation prend du temps.
À la fin de la réunion, Sa Sainteté rappela à l'équipe russe qu’à l’époque du 13ème Dalaï-Lama, un temple bouddhiste avait été construit à Saint-Pétersbourg. Il dit également que puisque la Russie avait une partie de son territoire en Asie et une autre en Europe, elle pouvait fonctionner comme un pont entre l'Est et l'Ouest. Il conclut en se réjouissant de leur travail.