Le temps était sombre, froid et orageux ce matin lorsque Sa Sainteté le Dalaï-Lama vint au Tsouglagkhang. Il salua les lamas assis autour du trône et prit place. Les prières d'introduction furent rapidement terminées et Sa Sainteté s'adressa à la foule.
« Il y a une note dans le colophon de ce livre dans laquelle Khènpo Kounga Wangtchouk écrit que Sa Sainteté le Dalaï-Lama avait demandé la transmission d'un texte du Tèngyour, l'Essence de la voie du milieu de Bhavya. Il suggéra qu'avec des annotations du texte basées sur le Flambeau du raisonnement, une transmission pouvait être créée. Sa Sainteté demanda que cela soit fait pour aider le Dharma - faites de votre mieux, dit-il. C'est ainsi qu'à l'âge de 83 ans, lors d'une visite à Taiwan, Khènpo Kounga Wangtchouk travailla sur ces annotations tout en se faisant soigner une jambe cassée.
« Dans ses 400 stances, Aryadéva déclare que la vacuité doit être expliquée sur la base des deux vérités à ceux qui ont des doutes sur les enseignements légèrement cachés du Bouddha. Il s'agit de la disparité entre apparence et réalité.
« À cause de l'ignorance, qui ne fait pas la différence entre apparence et réalité, les gens se fâchent et essaient de vaincre leurs adversaires, mais ils ne peuvent jamais atteindre leur objectif étriqué de victoire totale. Si, d'un autre côté, ils cultivaient la compassion, ils pourraient même voir leurs ennemis comme des amis.
« Nous voulons tous le bonheur et c'est pourquoi nous devons prendre soin de l'environnement dans lequel nous vivons. Mais nous devons aussi reconnaître à quel point nous dépendons des autres et en quoi la paix de l'esprit contribue à notre santé et à notre bien-être. Nos différentes traditions religieuses, certaines théistes et d'autres non, nous expliquent comment procéder. L'enseignement du Bouddha se fonde uniquement sur la reconnaissance de l’interdépendance.
« L'ignorance fait référence à notre conception erronée de la réalité, dont Aryadéva dit, dans ses 400 stances, qu’elle imprègne nos émotions perturbatrices.
De même que le sens tactile s’étend dans tout le corps,
La confusion est présente dans toutes [les émotions perturbatrices].
En surmontant la confusion, vous pourrez également
Surmonter toutes les émotions perturbatrices.
« Pour surmonter cette ignorance, il faut s'efforcer de comprendre l’interdépendance. »
« L'ignorance est décrite dans les douze liens de la production conditionnée qui fait partie des peintures de la roue de l'existence, que l'on trouve souvent sur les vérandas des temples. Ils commencent par l'image d'un vieil aveugle qui illustre l'ignorance et se terminent par un cadavre qui représente la mort. C’est l’ignorance qui nous conduit dans le cycle des existences. Nous créons du karma qui laisse des empreintes sur notre conscience, produisant la naissance et la mort. Dans le tableau habituel, le Bouddha est dépeint pointant la lune, ce qui indique la cessation et le chemin qui y mène.
« Tous nos problèmes sont dus à l'ignorance, à notre conception erronée des choses comme étant indépendantes, ce qui conduit à des pensées erronées et au développement de l'attachement et de la colère. C'est pourquoi Aryadéva conseille à nouveau :
D'abord, évitez le non-vertueux,
Ensuite, évitez [les conceptions de] soi ;
Enfin, évitez les vues de toutes sortes.
Sage est celui qui sait cela.
Sa Sainteté mentionna deux objectifs : un statut élevé ou renaissance supérieure et une excellence définitive ou libération. Il cita seize causes de statut élevé répertoriées dans la Guirlande précieuse de Nagarjouna. Il s'agit de treize activités à éviter, les dix actes non-vertueuses : le meurtre, le vol et l'adultère ; les paroles fausses, qui divisent, dures et inutiles ; la convoitise, les intentions nuisibles et les vues erronées. Les trois autres activités à restreindre sont la consommation d'alcool, les mauvais moyens de subsistance et le fait de nuire. Il y a trois autres activités à adopter : le don respectueux, respecter ce qui est digne d’honneur et l'amour.
Afin d'atteindre l’excellence définitive, nous devons éliminer non seulement les conceptions erronées du soi, mais aussi les obscurcissements cognitifs. La sagesse qui comprend la vacuité doit être soutenue par l'esprit d'éveil de la bodhicitta. Sa Sainteté fit remarquer que nous devons comprendre ce que la vacuité signifie et suivre le chemin indiqué dans le mantra du Soutra du cœur. Il définit la bodhicitta comme l'intention de devenir un Bouddha pour aider les autres. Il souligna que la compréhension de la vacuité est importante au début, au milieu et à la fin, et répéta que nous devons acquérir une conviction ferme quant aux enseignements du Bouddha grâce à la raison et à l’entraînement de l'esprit.
Reprenant sa lecture de l'Essence de la voie du milieu, Sa Sainteté termina le chapitre trois, " La quête pour comprendre la réalité ", puis lut le chapitre quatre, " Interpréter les principes des shravakas " et le chapitre cinq, " Interpréter les principes des yogacharins ", où il s'arrêta pour la journée. Il annonça qu’il pensait pouvoir achever la transmission de ce texte demain et qu’il comptait donner une permission consécutive de Manjoushri le lendemain.
En raison du mauvais temps, Sa Sainteté s'arrêta moins souvent que d'habitude en passant devant le temple et descendit les marches pour entrer dans la cour. Il grimpa dans une voiture pour retourner à sa résidence.