New Delhi, Inde
Ce matin, Sa Sainteté le Dalaï-Lama traversa New Delhi en voiture pour se rendre à l'India
International Centre (IIC), où il était invité par l'Indian Institute of Advanced Study (IIAS) pour
participer à la 24ème commémoration en l'honneur de Sarvepalli Radhakrishnan. M. Radhakrishnan
fut le premier vice-président indien et son second président. Il fonda l'IIAS en 1965 dans ce qui
avait été la loge vice-royale et plus tard le Rashtrapati Niwas à Shimla.
Alors qu'il atteignait la scène érigée sur la pelouse de la fontaine de la SII, Sa Sainteté salua, sourit et fit signe de la main à de nombreux amis de longue date qui se trouvaient parmi les 250 invités présents. L'un des principaux étant le Dr Kapila Vatsyayan. Il fut invité à se joindre à l'invité d'honneur, le Dr Vinay Sahasrabuddhe et au président de l'IIAS, Kapil Kapoor, pour allumer une lampe à cette occasion.
Makarand R Paranjape, Directeur de l'IIAS, s'exprima chaleureusement. Il fit un bref rappel historique de l'IIAS et de sa fondation à Shimla par le Dr Radhakrishnan lorsque celui-ci devint Président. Le Rashtrapati Niwas faisait partie du domaine présidentiel, mais était sous-utilisé. Le Dr Radhakrishnan, qui était un érudit non seulement des Védas et du sanskrit, mais aussi titulaire de la chaire d'éthique Spalding à Oxford, décida de le transformer en institut d'études avancées. En ce qui concerne l'éthique, il fit remarquer : « Ce n'est pas que les êtres humains ne sont pas conscients des impératifs moraux, ils ne veulent tout simplement pas les exercer. »
M. Paranjape invita NN Vohra, Président de la SII et ancien Gouverneur du Jammu-et-Cachemire, à
prendre la parole. Il déclara qu'il n'avait pas grand-chose à dire, si ce n'est d'exprimer sa joie devant
la présence de Sa Sainteté. Il le rencontra pour la première fois au début des années 60 alors qu'il
était magistrat à Kangra et que l'officier de liaison du MEA était absent. M. Vohra était délégué au
service de Sa Sainteté. Il se souvint l'avoir trouvé, en train d'apprendre sérieusement l'anglais, assis
sous la véranda de sa résidence de l'ashram Swarag à Dharamsala, en train de lire l'homme d'état de
Calcutta.
Le vice-président de l'IIAS, CL Gupta, fit une brève introduction en hindi.
Le Dr Vinay Sahasrabuddhe exprima son sentiment d'honneur de partager une tribune avec Sa Sainteté. Il nota que tous les chefs spirituels n'avaient pas autorité à parler d'éthique, mais que Sa Sainteté l'avait mérité. Il souleva quatre points en relation avec une discussion sur l'éthique : la nécessité d'une acceptation universelle de la démocratie spirituelle; l'individualisme et le collectivisme et l'interdépendance entre eux; concernant la protection de l'environnement et la gestion du changement climatique : la notion que vous devriez contribuer avant de consommer, ce qu'il dit que les pays riches et développés ne font pas. Enfin, il mentionna l'éthique et l'économie, et suggéra de prendre comme modèle le système de curatelle développé par le Mahatma Gandhi.
S'adressant aux participants en tant que "frères et sœurs aînés respectés", Sa Sainteté leur dit qu'il pouvait voir un certain nombre de vieux amis parmi eux qu'il connaissait de longue date.
« Je reconnais vos visages, même si je ne me souviens pas immédiatement de vos noms. Quand je
remarque que certains d'entre vous ont l'air plus vieux, ça me rappelle que j'ai vieilli aussi. »
« Cependant, ce qui est beaucoup plus important, c'est que nous donnons un sens à notre vie. Nous avons tous la nature de Bouddha, mais il faut de la pratique pour réaliser son potentiel. L'un des principaux facteurs de cette pratique est l'acquisition d'une compréhension de la réalité. Cela implique de reconnaître l'écart entre l'apparence et la réalité. Puisque les émotions destructrices sont basées sur notre conception erronée des apparences, l'antidote à celles-ci est de reconnaître la réalité. Le deuxième facteur est l'altruisme. Nous pouvons voir que ceux qui ont une vision plus compatissante sont plus heureux et rassemblent les autres autour d'eux. »
« Aujourd'hui, nous commémorons la disparition du Dr Radhakrishnan, que j'ai rencontré pour la première fois à mon arrivée en Inde en 1956. Il était le président du comité qui m'invita aux célébrations du Bouddha Jayanti. Il connaissait bien l'éducation moderne, mais il avait aussi beaucoup appris sur le savoir indien ancien. »
« La façon dont il chantait le sanskrit était impressionnante, mais lorsqu'il déclamait des versets du "Mulamadhyamikakarika" ("Sagesse fondamentale de la voie du milieu") de Nagarjouna, je pensai alors que la compréhension du sens des mots était aussi importante que leur son. Néanmoins, il incarnait le potentiel positif de combiner les méthodes modernes et anciennes d'apprentissage. »
« Dans le monde d'aujourd'hui, qui est encore déchiré par les combats et les meurtres, parfois même
au nom de la religion, nous avons un grand besoin des traditions indiennes d' "ahimsa" et de
"karuna", de non-violence et de compassion. Car chaque être humain veut fondamentalement vivre
une vie heureuse sans avoir à lutter contre la souffrance ou les perturbations de l'esprit. Et nous
avons le potentiel, dès la naissance, de développer des valeurs intérieures comme la compassion qui
nous procurent la tranquillité d'esprit. »
« La compassion engendre naturellement la tolérance et le pardon. Cela nous permet de comprendre que même quelqu'un que nous considérons comme un ennemi est un être humain qui a le droit d'être heureux. C'est l'une des raisons pour lesquelles on dit que votre ennemi peut être votre meilleur professeur. Il ou elle enseigne la possibilité de la compassion inconditionnelle. »
Sa Sainteté parla de la façon dont la science évolue. Il fut un temps où les scientifiques en savaient beaucoup sur le monde extérieur, mais peu sur l'esprit et notre royaume intérieur. Il nota que pendant une grande partie du XXe siècle, les scientifiques rejetèrent toute idée que l'esprit était tout sauf une fonction du cerveau. Depuis la fin du siècle dernier et les premières années de celui-ci, cependant, il y a eu une acceptation croissante des preuves que l'esprit peut affecter le cerveau.
Les scientifiques d'aujourd'hui examinent comment le cerveau est affecté au cours de la méditation. Il y a aussi des chercheurs de Moscou et du Wisconsin qui étudient ce qui se passe lorsque des méditants accomplis entrent dans l'état de "thukdam". Ils sont cliniquement morts, mais parce que leur conscience la plus subtile n'est pas encore partie, leur corps reste frais pendant un certain temps.
Sa Sainteté conclut qu'à mesure que les qualités de l'esprit sont mieux comprises, il y a un besoin
correspondant pour les écoles d'enseigner comment développer et maintenir la paix de l'esprit. C'est
une chose à laquelle le savoir indien ancestral peut contribuer.
En répondant aux questions de l'auditoire, Sa Sainteté parla de la gravité du réchauffement climatique et du fait qu'il est encourageant de voir des jeunes comme Greta Thunberg exprimer la nécessité d'agir. Il mentionna le rôle que peuvent jouer l'ahimsa et le développement du végétarisme.
Il fit remarquer que les jeunes enfants ont naturellement une attitude fraîche, ouverte et compatissante. Il devrait être possible pour les écoles de cultiver ces qualités et d'enseigner aux enfants que la chaleur humaine mène à la paix de l'esprit ainsi qu'à une meilleure santé physique. Il fit remarquer que si vous êtes compatissant et altruiste, tout a tendance à apparaître sous un jour positif. Peu importe les difficultés que vous rencontrez, vous ne perdez pas votre tranquillité d'esprit. Si, par contre, vous êtes rempli de peur et de suspicion, tout apparaît sous un jour négatif.
« Je crois fermement en l'unité de toute l'humanité. En tant qu'êtres humains, nous sommes tous les mêmes, expliqua-t-il. Par conséquent, peu importe qui je rencontre, il n'y a pas de barrière entre nous. »
Lorsqu'on lui demanda pourquoi l'enseignement du dharma semble avoir décliné, Sa Sainteté
suggéra que peut-être trop d'attention est accordée à l'accomplissement des rituels et pas assez à la
signification réelle de l'enseignement. Il recommanda de consacrer plus de temps à l'étude et moins
à la récitation. « La vraie pratique, confirma-t-il, est de transformer notre esprit et nos émotions. »
Sa Sainteté souligna que si l'on passait plus de temps dans les écoles à encourager les élèves à avoir l'esprit tranquille, après 30 ans, il serait possible de voir une différence dans la façon dont ils évoluent. Comprendre comment obtenir la tranquillité d'esprit et s'attaquer aux émotions négatives qui menacent de la perturber est la clé d'une vie satisfaisante.
Le Professeur Kapil Kapoor exprima ses remerciements en hindi et conclut que c'était un plaisir et un devoir pour lui de remercier les orateurs du jour, Sa Sainteté et le Dr Vinay Sahasrabuddhe pour ce qu'ils avaient à dire sur l'éthique.
Alors que Sa Sainteté quittait la scène et se dirigeait vers le buggy qui le conduirait à sa voiture, beaucoup de gens s'avançaient en manifestant leur affection pour le saluer, lui serrer la main ou attirer son regard.
Demain, il quittera Delhi pour Aurangabad.