Cérémonie d’expression de gratitude envers l’Inde « Thank you India »
Thekchen Chöling, Dharamsala en Inde, 31 mars 2018
La cour du temple tibétain principal avait été décorée avec soin ce matin. La structure des auvents était ornée des couleurs orange, blanc et vert du tricolore indien. Les invités qui remplissaient la cour attendaient avec impatience que les portes de sa résidence s’ouvrent et que Sa Sainteté le Dalaï-Lama apparaisse. Il marcha fermement le long de l’allée centrale en saluant de son sourire les sympathisants et en s’arrêtant de temps en temps pour serrer la main de certains. Il arriva à l’estrade sous le temple, et fut présenté aux invités et aux dignitaires et s’assit en souriant à la foule.
Sonam Dagpo, secrétaire aux relations internationales de l’Administration centrale tibétaine (CTA) et président du comité « Thank You India « , a ouvert la cérémonie. Il a expliqué que le 31 mars marque le jour où Sa Sainteté a atteint l’Inde en 1959 après avoir fui le Tibet. Ce jour marque le début d’une année de célébration de cet événement qui culminera avec le soixantième anniversaire l’année prochaine. Après avoir salué Sa Sainteté, il accueillit l’invité en chef, le ministre d’État à la Culture, au Tourisme et à l’Aviation civile, Mahesh Sharma et l’invité d’honneur, le secrétaire général national du parti Bharatiya Janata, Ram Madhav.
Les artistes de l’Institut tibétain des arts de la scène (TIPA) ont présenté une interprétation émouvante de la chanson « Thank You India ».
Le député local de Kangra, ancien ministre en chef et président du Forum parlementaire indien pour le Tibet, Shanta Kumar, a déclaré que la journée d’aujourd’hui était une journée spéciale. Il a rappelé que lorsque Sa Sainteté est venu en Inde, il a été accueilli comme un membre de la famille. Il a fait remarquer qu’en raison de la présence de Sa Sainteté, Dharamsala et Kangra ont obtenu une belle place sur la carte du monde, ce dont il a remercié le gouvernement de l’Inde et Sa Sainteté. Il a prié pour que les autorités chinoises changent d’avis de telle sorte qu’elles accueillent respectueusement Sa Sainteté au Tibet. Il a ajouté : « Quand ce jour heureux viendra, n’oubliez pas les gens du Kangra et de l’Himachal Pradesh ».
R.K. Khrimey, le responsable national du Core Group for the Tibetan Cause, un Arunachali, a rapporté que lorsque le Sikyong, le Dr Lobsang Sangay lui a parlé des projets pour cette célébration, il eu l’idée d’une marche de célébration de la paix. Son idée était de suivre les pas de Sa Sainteté depuis l’endroit où il a traversé la frontière jusqu’à Tawang et ainsi de suite. Il divertit la foule avec des descriptions des cols qu’ils grimpaient et descendaient, les gens et les arbres miraculeux qu’ils ont rencontrés sur le chemin.
Invité à féliciter Naren Chandra Das, le seul survivant connu des sept membres du personnel des Assam Rifles qui l’ont reçu à la frontière indienne en 1959, Sa Sainteté a embrassé cet homme âgé.
Satyavrat Chaturvedi, un politicien du Congrès et membre du Rajya Sabha, représentant le Madhya Pradesh, a décrit le programme de la journée comme une occasion unique pour exprimer les sentiments amicaux qui l’animent. Il a déclaré que depuis que la tradition Nalanda du bouddhisme a été établie au Tibet, les relations Indo-tibétaines avaient prospéré grâce à une amitié profonde et à long terme. Il a exprimé le sentiment que Sa Sainteté et les Tibétains qui l’ont suivi n’étaient pas des réfugiés mais des invités. « Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous, mais nous voulons aussi que vous puissiez rentrer chez vous, confiants dans l’espoir que vous reviendrez nous rendre visite encore et encore.
Les membres de TIPA ont donné un spectacle impressionnant de Bharatanatyam, une danse classique indienne traditionnellement présentée uniquement par des femmes.
Le Président du Parlement tibétain en exil, Ven Khenpo Sonam Tenphel, a ensuite pris la parole. Il se souvient que Sa Sainteté a reçu un message de bienvenue en Inde de la part du Premier ministre Nehru lorsqu’il a atteint la frontière en 1959. Peu après, à Mussoorie, il convoqua son gouvernement en exil. 1960 concrétisa le début de la démocratisation et le premier parlement tibétain en exil, puis, en 1963, un nouveau projet de constitution tibétaine fut élaboré. Sa Sainteté a personnellement supervisé la création de services administratifs et la mise en place de colonies et d’écoles. Sa vision s’est réalisée avec l’aimable soutien du gouvernement et du peuple indien. Cette gentillesse reflétait ce que l’ancien politicien indien Moraji Desai a décrit comme le lien unique entre le peuple indien et le peuple tibétain. Le Président a conclu en remerciant l’Inde pour tout ce qu’elle a fait pour les Tibétains.
La chanteuse tibétaine Passang Dolma a charmé la foule avec sa propre composition intitulée « Ae Hind Tujko Salam ».
L’invité d’honneur, Ram Madhav, a captivé la foule avec l’idée que l’Inde a toujours tendu une main ouverte avec un cœur ouvert. Comme les Juifs et les Parsees ont trouvé la paix et l’affection en Inde auparavant, les Tibétains ont été en mesure de préserver ensemble leur culture et leurs traditions. Pendant ce temps, 6 millions de Tibétains au Tibet attendent le retour de Sa Sainteté. Il a observé que des relations culturelles fortes ont prévalu entre l’Inde et le Tibet depuis l’essor des universités de Nalanda et de Vikramashila. « Les Tibétains ont conservé le contenu de la littérature ancienne traduite dans leur langue à l’époque. Maintenant, vous l’avez ramené en Inde et nous vous remercions de nous rappeler notre héritage bouddhiste. Nous considérons l’Inde comme la terre du Bouddha, du Mahatma Gandhi et de Sa Sainteté le Dalaï-Lama, mais nous reconnaissons votre désir de revoir votre mère patrie ».
Après que le TIPA ait exécuté une danse inspirée des traditions Gaddi locales, le Sikyong Dr Lobsang Sangay s’est adressé au rassemblement en tibétain et en anglais. Il a noté que nous entamons la soixantième année depuis que Sa Sainteté a quitté Lhassa, capitale du Tibet. C’est la soixantième année depuis l’occupation illégale du Tibet par les forces communistes chinoises, qui a entraîné la perte de tant de vies tibétaines. C’est aussi la soixantième année depuis le début de l’exploitation massive des ressources naturelles du Tibet.
Le Sikyong a rappelé à ses auditeurs qu’il est actuellement plus difficile pour un journaliste de se rendre au Tibet et de faire des reportages sur le Tibet que sur la Corée du Nord. De même, beaucoup sont conscients des violations des droits de l’homme en Syrie, mais peu reconnaissent celles qui ont lieu au Tibet.
Mais c’est aussi la soixantième année de la résilience tibétaine. Le Sikyong a établi une comparaison entre la campagne du Premier ministre Modi pour « Make in India « et le fait que les Tibétains se sont redynamisés en Inde. Il a déclaré : « Le succès des Tibétains sera le succès de l’Inde et aujourd’hui, nous sommes ici pour dire ‘Merci, l’Inde’ ».
Rappelant les liens anciens entre l’Inde et le Tibet, l’invité principal, Mahesh Sharma a déclaré qu’il n’y avait pas besoin de « merci « , en disant : « Vous êtes nos invités ici et nous vous souhaitons la bienvenue. Nous remercions Sa Sainteté et le peuple tibétain d’avoir su préserver votre culture et vos traditions. Nous sommes touchés que vous souhaitiez nous remercier. »
Sa Sainteté lui a remis un souvenir de « Thank You India ». Sikyong Dr Lobsang Sangay a ensuite fait le même geste envers les autres invités et dignitaires sur la scène.
Prenant sa place sur le podium, Sa Sainteté a commencé à s’adresser au rassemblement.
« Comme d’habitude, j’aimerais vous saluer comme mes frères et sœurs. Nous prions régulièrement pour le bonheur de tous les êtres sensibles, mais si nous pensons vraiment ce que nous disons, nous devons nous rappeler que nous sommes tous les mêmes en ce que nous sommes humains.
« J’ai fui le Tibet dans des circonstances difficiles et depuis lors j’ai connu un mélange de bonheur et de tristesse. Quand nous sommes arrivés, nous n’avions aucune idée de ce qui allait nous arriver. Aujourd’hui, près de 60 ans plus tard, nous avons une idée plus claire de ce que l’avenir nous réserve. D’autres personnes qui ont pris la parole avant moi ont déjà mentionné les relations spéciales entre l’Inde et le Tibet. Nous nous considérons comme des étudiants et les Indiens comme nos gourous. Nous considérons l’Inde avec respect et admiration comme la Terre des Nobles. Il y a un lien fort entre nous.
« Notre culture au Tibet était basée sur ce que nous avons appris des maîtres de Nalanda, comme Shantarakshita. Sous sa direction, nous avons traduit les paroles du Bouddha dans la centaine de volumes du Kangyour et les traités exégétiques des maîtres indiens subséquents dans les plus de deux cents volumes du Tengyour.
« Quand je pense aux cinq sciences majeures et aux cinq sciences mineures, je me rends compte de l’importance de la logique et de l’épistémologie. Nous devons être sceptiques plutôt que de succomber à une foi aveugle. Le Bouddha lui-même a conseillé à ses disciples de ne pas prendre ce qu’il dit pour argent comptant, mais de l’examiner à fond comme un orfèvre teste l’or. Les maîtres Nalanda ont suivi cette approche - en utilisant la raison et la logique dans la recherche de la vérité.
« Aujourd’hui, les scientifiques nous disent que la nature humaine fondamentale est compatissante. Alors pourquoi nous créons-nous tant de problèmes pour nous-mêmes ? Lorsque nous avons une compréhension plus claire du fonctionnement de notre esprit et de nos émotions et que nous voyons ce qui perturbe et ce qui calme notre esprit, nous comprenons comment il nous est possible de vivre une vie plus paisible. C’est pourquoi je crois que ce que les grands maîtres indiens du passé ont enseigné demeure pertinent aujourd’hui. Une grande partie de ce savoir indien ancien a été négligée. Cependant, ayant extrait son essence de la littérature que j’ai mentionnée, nous pouvons l’examiner et l’utiliser de manière académique. Ceci, basé sur ce que nous avons gardé en vie, est ce que nous aimerions redonner et faire revivre en Inde.
« Pour tirer le meilleur parti de notre remarquable cerveau humain, la logique, la philosophie et la psychologie de l’Inde ancienne sont inestimables. Pour nous, apporter une telle contribution au plus grand bien de l’humanité est une occasion de tirer parti de l’adversité. Nous avons vécu près de soixante ans en exil, mais nous n’avons pas perdu notre temps et le moral de nos frères et sœurs au Tibet est resté fort.
« Quand le Tibet était un puissant pays indépendant dans le passé, notre force de caractère était égalée par notre sens de l’unité. Aujourd’hui, où que vivent les Tibétains, nous aspirons de la même manière à maintenir notre culture et notre langue vivantes. Nous devons poursuivre nos efforts pour découvrir nos lacunes et apprendre où nous pouvons nous améliorer.
« J’aimerais terminer en remerciant tous ceux qui ont déjà pris la parole aujourd’hui. »
Après l’émouvante interprétation par le TIPA d’une chanson et d’une danse représentant l’unité du peuple des trois provinces du Tibet, le secrétaire à l’information, Dhardon Sharling, a offert ses remerciements.
Un léger thali végétarien a été distribué et tous les invités, y compris Sa Sainteté, ont déjeuné ensemble. Puis, prenant le temps d’interagir avec les invités, les amis et les sympathisants sur le chemin, Sa Sainteté a marché sans hâte jusqu’aux portes de sa résidence.