Riga, Lettonie, 16 juin 2018.
Hier, Sa sainteté le Dalaï-Lama s’est rendu en Lettonie par un court vol au-dessus de la mer Baltique. Il a été accueilli à l’aéroport de Riga par les organisateurs lettons et russes de sa visite. Un grand groupe de sympathisants l’attendait pour le saluer à son hôtel - il a salué en souriant et serré la main du plus grand nombre possible d’entre eux.
Ce matin, au Skonto Hall, qui est de nouveau le lieu des enseignements, Sa Sainteté a d’abord rencontré plus de 40 membres des médias réunis dans une antichambre. Après avoir fait une très brève déclaration, Sa Sainteté a répondu à leurs questions.
Lorsqu’on lui a demandé comment se sentir en confiance pour prendre les bonnes décisions, Sa Sainteté a répondu :
« Nous, les êtres humains, nous avons une intelligence sophistiquée que nous devons apprendre à utiliser correctement. Nos décisions et les actions qui en découlent ne doivent pas être prises simplement sur la base de notre désir personnel. Bien qu’une telle approche puisse apporter une certaine satisfaction à court terme, cela ne nous distinguerait guère des animaux. En tant qu’êtres humains intelligents, nous avons aussi la capacité de raisonner et d’anticiper les conséquences de nos actions. Nous pouvons évaluer si ce que nous faisons sera socialement acceptable et si c’est bon pour notre santé ou non. Nous devons avoir une vision d’ensemble de toute situation donnée. Regarder les choses sous un seul angle n’est pas suffisant. Examiner les choses sous différents angles objectivement, sans trop d’émotion, conduira à un meilleur résultat. »
A une question sur la compétition et s’il avait une équipe favorite pour gagner la Coupe du Monde, Sa Sainteté a répondu :
« Je pense que la concurrence qui permet à tous les participants d’être au top peut être considérée comme saine et positive. Cependant, si cela implique de mettre des obstacles sur le chemin de vos rivaux, ce n’est pas si bon.
« Personnellement, j’ai peu d’intérêt pour le sport, donc je n’ai pas d’équipe favorite. Quand j’étais jeune, je jouais un peu au badminton et au ping-pong. A Pékin, en 1954/55, j’ai joué au ping-pong avec le Premier ministre chinois, Zhou En-lai, mais ma motivation était faible - parce qu’il avait un handicap mineur, je pensais qu’il serait facile pour moi de gagner ».
Alors que Sa Sainteté montait sur la scène dans la grande salle, une foule de 4000 personnes s’est levée, applaudissant et agitant des écharpes de soie en guise de bienvenue. Le ‹ Soutra du Coeur › a été récité en letton.
« Je suis très heureux d’être de nouveau ici à Riga », a commencé Sa Sainteté. « Il semble que beaucoup de gens des républiques russes sont aussi venus. Nous sommes tous adeptes de la même tradition de Nalanda, donc je pense qu’il est de mon devoir de vous l’expliquer.
« Tout le monde veut le bonheur et personne ne veut souffrir. En cela, nous sommes tous égaux. Cependant, malgré le fait de ne pas vouloir souffrir, il semble que nous courions après le malheur. Bien que nous soyons capables de surmonter la douleur physique, puisque l’anxiété et la peur sont les racines de la souffrance, ce dont nous avons vraiment besoin c’est de trouver la paix de l’esprit. Les scientifiques disent qu’ils ont trouvé des preuves que la nature humaine fondamentale est compatissante, alors il est logique que, quelle que soit la foi que nous suivons, la racine de la paix de l’esprit est la bienveillance ».
Sa Sainteté a expliqué qu’un élément clé de la tradition de Nalanda, qui a été préservée dans le bouddhisme tibétain, est son recours à la logique et la raison. Cette approche a été présentée aux tibétains par le grand maître Nalanda Shantarakshita, qui a été invité au pays des neiges par l’empereur tibétain au 8ème siècle.
« Nous développons des émotions destructrices telles que la colère et l’attachement sur la base de l’ignorance. Pour contrer cela, le Bouddha a parlé des deux vérités - la vérité conventionnelle et la vérité ultime. Il a mis en exergue le décalage entre les apparences et la réalité. Différentes écoles de pensée bouddhiste présentent différentes interprétations des deux vérités, mais Nagarjouna a enseigné que nous n’éliminerons l’ignorance fondamentale qu’en parvenant à comprendre l’absence de l’existence intrinsèque dans le contexte de la survenue en dépendance - la notion que les choses n’existent qu’en dépendance par rapport à d’autres facteurs.
« En tant que bouddhistes, notre pratique devrait être fondée sur la compréhension, et non pas seulement sur une foi aveugle, et pour parvenir à la compréhension, nous devons apprendre. Au Tibet, dans le passé, les moines n’étaient considérés comme érudits que lorsqu’ils avaient étudié 20 à 30 ans. En Inde aujourd’hui, les moines étudient au moins 20 ans. Je respecte toutes les religions, mais ce qui distingue le bouddhisme, c’est que le Bouddha a conseillé à ses disciples de ne pas prendre ce qu’il a dit pour argent comptant, mais de l’examiner et de l’étudier à la lumière de la raison. Le bouddhisme est la seule tradition à adopter une approche aussi sceptique. »
Le premier texte que Sa Sainteté a commencé à lire était le ‹ Soutra du diamant coupeur ›. Avant de terminer cela, il est passé à l’‹ Éloge de la survenue en dépendance › de Djé Tsongkhapa, qu’il a lu jusqu’à la fin.
Sa Sainteté a déjeuné avec un groupe d’invités avant de retourner à son hôtel. Les enseignements reprendront demain.