New Delhi, Inde
Ce matin à New Delhi, Jack Dorsey, PDG et co-fondateur de Twitter, vint rencontrer Sa Sainteté le Dalaï-Lama. Il remercia Sa Sainteté d’avoir utilisé Twitter. Sa Sainteté lui parla longuement des liens historiques entre l’Inde et le Tibet, de la tradition exemplaire en Inde d’harmonie religieuse et de l’importance de reconnaître l’unité de l’humanité. Lorsque Dorsey demanda ce qui aurait le plus d’impact pour rapprocher les traditions religieuses, Sa Sainteté répondit qu’en général, c’est l’affection et le respect manifestés qui unissent les gens dans la plupart des situations.
Sur les marches du Bhai Vir Singh Sahitya Sadan (BVSSS), Sa Sainteté fut accueilli par le Directeur, le Dr Mohinder Singh, et le Président, ancien Premier Ministre, le Dr Manmohan Singh, avec un jeune arbre en cadeau. Ils l’escortèrent ensuite jusqu’à la scène à l’intérieur. Le BVSSS est une institution créée il y a 60 ans pour commémorer et promouvoir l’œuvre de Bhai Vir Singh, poète, érudit et théologien de la renaissance sikhe. Cette journée était au cœur de l’événement inaugural d’une année de célébration du 550e anniversaire de la naissance du fondateur du sikhisme, Guru Nanak.
La réunion commença par le chant d’une louange à Guru Nanak, par Sdn Taranjit Kaur. Le Dr Mohinder Singh, hôte de l’événement, rappela le conseil de Guru Nanak de considérer l’unité de l’humanité et de surmonter les divisions. Il a également fondé son dialogue interreligieux sur la capacité d’écouter les autres avec un esprit ouvert.
Sa Sainteté fut officiellement accueilli avec des présents, un châle marron et une copie encadrée du Mul Mantra, la première composition prononcée par Guru Nanak Dev lors de l’éveil, en feuilles d’or.
Le conférencier à l’honneur, BN Goswamy, éminent historien de l’art, fit un compte rendu érudit de Guru Nanak qu’il compara au légendaire Simorgh du poète Attar de Nishapur, le chef-d’œuvre littéraire du poète, la « Conférence des oiseaux ». Il remarqua combien Guru Nanak soulignait l’importance de la vérité, lorsqu’il dit que la vérité ne vieillit jamais, la vérité survit et la vérité l’illumination.
Après avoir remarqué qu’il n’existe pas de portraits contemporains connus de Guru Nanak, Goswamy décrivit et commenta une série de dessins et de peintures, projetés au public sur écran, montrant divers aspects de la vie du maître. Il attira particulièrement l’attention sur un tableau qui le dépeignait en robe portant des citations tirées des écritures de diverses confessions, révélant ainsi son respect pour toutes. Il raconta l’histoire de Guru Nanak, lorsqu’il fut réprimandé pendant son pèlerinage à La Mecque pour avoir dormi les pieds pointés vers la Kaaba, où il répliqua : « Montrez-moi une direction où mes pieds ne seront pas pointés vers Dieu ».
Sa Sainteté et le Dr Manmohan Singh furent ensuite invités à honorer un certain nombre de chefs spirituels parmi les invités avec un cadeau. Parmi eux figuraient le Dr Inderjit Kaur, Sant Balbir Singh Seechewal, Swami Gurdip Giri, Acharya Shrivasta Goswami, Pir Kwaja Syed Nizami et Sir Mark Tully.
Invité à s’exprimer, Sa Sainteté commença par saluer son ami respecté, ancien premier ministre, le Dr Manmohan Singh, ses frères et sœurs spirituels et les autres frères et sœurs de l’assistance.
« C’est un grand honneur pour moi d’être ici pour l’inauguration de cette célébration du 550e anniversaire de la naissance de Guru Nanak. Bien que je ne connaisse pas tous les détails de sa vie, j’ai une grande admiration pour Guru Nanak. Je suis particulièrement impressionné qu’une personne d’origine hindoue comme lui ait fait un pèlerinage à La Mecque pour exprimer son respect pour une autre tradition religieuse. Cela reflète la longue tradition indienne de cohabitation harmonieuse entre les différentes religions.
« Plusieurs traditions spirituelles indiennes ont en commun les pratiques d’entraînement de l’esprit par le calme mental, concentré en un point (shamatha), et les connaissances issues de la méditation analytique (vipashyana). Ces pratiques ont conduit à une compréhension cumulative du fonctionnement de l’esprit et des émotions, conduisant à leur transformation et à l’obtention de la paix de l’esprit, la paix intérieure. C’est un élément clé de l’héritage de la civilisation indienne et de Guru Nanak, comme Mahavira et le Bouddha avant lui, résultats de cette tradition indienne.
« Récemment, j’ai participé à une conférence de moines bouddhistes et quand ce fut à mon tour de parler, je leur ai dit que je préférais être franc et informel. Je leur ai demandé de réfléchir à la pertinence réelle de la religion, en ce XXIe siècle, quand nous voyons surgir des conflits en son nom. Je leur ai demandé comment se fait-il que, malgré un développement matériel et une éducation omniprésents, nous sommes toujours confrontés à des problèmes. Ma suggestion fut que l’éducation moderne se concentre sur des objectifs matériels et mène à un mode de vie matérialiste ; en conséquence, les gens ne savent pas comment atteindre la paix de l’esprit,
« Le pire, c’est qu’alors que nous jouissons de la paix ici, en Syrie et en Afghanistan, des gens s’entretuent au nom de la religion, des enfants meurent de faim dans des pays comme le Yémen et l’écart entre riches et pauvres ne cesse de se creuser. Quand nos frères et sœurs humains souffrent de cette façon, comment pouvons-nous rester indifférents ?
« La racine du problème est un manque de karouna ou de compassion. Qu’il y ait ou non un Dieu comme le croient certaines religions, ce que font les êtres humains est important. Et la qualité de ce qu’ils font dépend de leur motivation, c’est pourquoi nous devons apprendre à cultiver un esprit compatissant. C’est pourquoi les religions, avec leur message de karouna et d’ahimsa, de compassion et de non-violence, sont si importantes. C’est aussi pourquoi le respect mutuel entre nos différentes traditions spirituelles est crucial.
« Heureusement, l’harmonie religieuse continue de s’épanouir dans l’Inde moderne. Regardez les Parsis, descendants des Zoroastriens de Perse, à Bombay. Ils sont moins de 100 000 parmi des millions d’hindous, de musulmans et de chrétiens, mais ils vivent en paix sans crainte. C’est l’Inde. Je pense que l’Inde devrait accentuer cela et montrer au reste du monde que les différentes religions peuvent vivre en amies, en harmonie, côte à côte.
« La religion reste donc d’actualité aujourd’hui. Qu’il y ait ou non un Dieu, une prochaine vie ou aucune, une libération, moksha, ou non, dit le professeur BN Goswamy, vous avez mentionné la vérité, qui est un mot difficile à définir. Malgré leurs différentes opinions philosophiques, toutes nos traditions religieuses parlent d’amour. L’Inde moderne devrait accorder plus d’attention à l’ancien savoir indien du fonctionnement de l’esprit et des émotions avec ses conseils pour s’attaquer aux émotions destructrices et atteindre une sorte d’hygiène émotionnelle.
« Permettez-moi de taquiner Mark Tully, ce que nous appelons l’éducation moderne a été principalement imposé à l’Inde par les Britanniques, mais il n’y a qu’en Inde que nous avons une chance de voir se combiner une éducation moderne et de méthodes pour atteindre la paix de l’esprit. »
Dans ses remarques, le Dr Manmohan Singh exprima sa gratitude à Sa Sainteté pour son discours inspirant. Il remercia également le professeur BN Goswamy pour son discours, faisant remarquer que tous les deux sont amis depuis leurs études ensemble à Amritsar, quand ils étaient jeunes. Il se réjouit à la perspective d’autres rencontres avec des sœurs et frères d’autres religions et d’une série de conférences sur les différents aspects de la vie et de l’héritage de Guru Nanak, dont les travaux seront publiés en temps voulu.
Il raconta une histoire de jeunesse de Guru Nanak, quand son père lui donna une somme d’argent pour faire des affaires. Au lieu de cela, il l’utilisa pour acheter de la nourriture qu’il offrait à des sadhous. Ainsi commença la tradition du langar, fournissant de la nourriture pour tous sans distinction. Il suggéra la nécessité aujourd’hui d’une telle approche novatrice de nos relations, fondée sur la vérité, l’égalité entre les sexes et la responsabilité universelle.
L’attention se dirigea vers un chapiteau dans le parc où se tenait une exposition d’art consacrée à Guru Nanak. Accompagné par les autres chefs spirituels invités et les artistes concernés, Sa Sainteté coupa un ruban pour inaugurer l’exposition. En regardant les œuvres exposées, le professeur BN Goswamy intervint pour en expliquer quelques unes. Enfin, Sa Sainteté et le Dr Manmohan Singh plantèrent ensemble un jeune arbre, et le Dr Mohinder Singh dit que le BVSSS s’était engagé à le cultiver.
Le Dr Manmohan Singh et le Dr Mohinder Singh escortèrent Sa Sainteté à sa voiture pour le voir partir. Demain, il fera un voyage au Japon.